Chapitre 4

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     Le château surplombait la vallée. C'était une belle construction de pierre blanche, mais il lui manquait la grâce des palais elfiques. Il était massif, imposant, en un mot écrasant. Du plus loin qu'on le voyait, on comprenait qu'un seigneur à la main de fer le dirigeait. Les soldats de la garde arborait des tenues parfaites, des armes et des pièces d'armures soigneusement briquées. Des oriflammes à la blancheur éclatante, ornés de lions écarlates flottaient dans le vent. Pard ralentit sa course pour admirer le paysage, laissant le carrosse prendre de l'avance. Ainsi c'était ça un château seigneurial ? C'était beau, mais pas autant qu'une vieille forêt, décida-t-elle en son for intérieur. Puis elle aperçut la cour... Tout un tas de gens endimanchés, penchés sur les remparts pour la regarder arriver. Qu'était-elle donc ? Une attraction pour gens oisifs ? L'avait-on fait venir pour distraire les nobliaux des environs ? S'ils voulaient du spectacle, ils allaient être déçus ! Elle ne reprit sa forme humaine qu'une fois à l'abri des regards. Ainsi, elle était tout à fait quelconque...

L'envoyé du seigneur descendit du carrosse et lui fit signe de le suivre. Pard pensait qu'il allait la conduire au donjon, aussi fut-elle surprise de voir qu'ils se dirigeait vers une des tours.

— Notre seigneur souhaite vous parler en privé, expliqua l'homme en la voyant froncer les sourcils. Les courtisans n'ont nul besoin de connaître la teneur de sa conversation avec vous.

— Ou bien, il préfère qu'on ne sache pas qu'il doit recourir aux services d'une fille du peuple, grinça Pard.

— Vous vous méprenez sur compte, jeune fille, dit-il . Attendez de l'avoir rencontré !

L'escalier qu'il lui fit emprunter menait à un bureau sombre et austère. L'homme qui siégeait là ne déparait pas avec la pièce. Grand, vêtu de gris, il était assis le dos droit ses mains croisées devant lui. Il remercia son serviteur d'un hochement de la tête et celui-ci s'éclipsa, sa mission accomplie, laissant Pard seule avec lui. Quand la porte se fut refermée sur lui, le seigneur invita la jeune fille à s'asseoir.

— Ainsi donc, voici à quoi ressemble le phénomène qui met en émoi tous mes paysans... fit-il pensif. J'avoue que je m'attendais à quelque chose de plus exotique ou de plus impressionnant !

— Je peux parfaitement repartir par où je suis venue, rétorqua Pard sans se démonter. Je ne suis pas un numéro de cirque !

Le seigneur sourit amusé.

— Bon, à défaut d'autre chose, tu sembles avoir du caractère ! Je ne t'ai pas fait venir pour m'amuser à tes dépens, rassure-toi. J'ai grand besoin de ton aide, si les pouvoirs qu'on te prête sont réels.

— J'ignore ce que racontent les gens, observa Pard. Je suis une métamorphe un peu particulière. Mes semblables peuvent emprunter une forme animale, toujours la même. Je peux quant à moi les emprunter toutes. Du moins, je le pense. Je n'ai pas encore atteint mes limites...

— Alors, tu es bien celle qu'il me faut. J'ai une fille. C'est ma seule enfant. Mon épouse nous a quitté trop tôt. Ce sera donc elle qui héritera de mon titre, de mes terres et de ma fortune. Hélas, il existe un souci de taille...

— Quelqu'un d'autre brigue votre trône ? Envoyez vos soldats, ils seront plus qualifiés que moi !

— Tsss, l'impatience de la jeunesse ! s'esclaffa le seigneur. Laisse-moi donc finir ! Ma fille ne veut pas entendre parler de cette succession... Elle imagine que cela va l'obliger à épouser un homme qu'elle n'aura pas choisi et à lui laisser les rênes du pouvoir.

— Et elle a tort ? s'enquit la jeune fille qui sentait une certaine solidarité naître dans son cœur envers la fille du seigneur.

— Pas vraiment... mais je la laisserai faire son choix parmi plusieurs prétendants... une fois que tu l'auras retrouvée et ramenée ici !

PardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant