Pard

Chapitre 17

     Un chaud soleil d'été éclairait la clairière. Kadis s'était dévêtu et l'attendait dans le bassin. Pard ôta ses habits à son tour. Elle trempa un orteil frileux dans cette eau qui lui semblait glaciale. À peine eut-elle entré un pied que l'eau devint noire et qu'une abominable odeur de pourriture lui vint aux narines. Kadis était sorti du bassin et rampait sur le sol, couvert de sang. Elle voulut le rejoindre, mais quelque chose de visqueux la retenait dans l'eau, cherchant à l'entraîner.

— C'est un cauchemar, lui dit une voix.

— Pard, j'ai mal ! dit Kardis.

— Réveille-toi ! reprit la voix.

— J'ai froid, gémissait Kardis recroquevillé sur le sol.

— Tout cela n'est pas réel, concentre-toi sur mes mots, poursuivit la voix.

— Rejoins-moi Pard, miaulait Kardis redevenu chat. Je me sens si seul !

— Il suffit ! Regarde-moi ! fit la voix avec autorité.

Une lumière baigna soudain la clairière qui disparut avec son bassin, tandis que le fantôme de Kardis s'étiolait. Une femme se tenait pieds nus devant la jeune fille qui reconnut Samara.

— Je savais bien que tu n'étais pas un chat ordinaire, fit-elle en souriant. Que fais-tu ici ? Les gens qui m'accompagnent sont très dangereux tu sais...

— On m'a demandé de vous suivre...

— Tu dois cesser ! S'ils s'aperçoivent de ta présence, ils te tueront !

— J'ai promis de rester sur vos traces jusqu'à ce que vous soyez délivrée.

— Je refuse que tu te mettes en danger de cette manière et ce n'est pas nécessaire. Je laisse mon empreinte sur chaque arbre que je croise. Cette piste-là ne s'effacera pas. Rejoins ceux qui t'ont envoyée vers moi et rassure-les. Karador ne veut pas me faire de mal. Il veut m'épouser !

— Il ne veut pas vous épouser, il veut vous violer, rétorqua Pard. J'ai vu son regard sur vous. Je sais ce qu'un tel regard signifie... et vous le savez aussi n'est-ce pas ?

— S'il te plait... Fais ce que je te demande, dit la princesse implorante. Et dit à Drek que je l'aime, lui et aucun autre !

— À qui parlez-vous donc votre altesse ? demanda Hahès.

Pard se réveilla brusquement. Samara avait rompu le contact avec elle dès qu'elle avait senti l'esprit du magicien l'effleurer. Elle n'attendit pas de savoir s'il l'avait repérée elle aussi pour décamper. Gorok serait sûrement furieux, mais elle espérait qu'il comprendrait. Elle tendit son esprit vers lui et fut perplexe en se retrouvant dans le chaos intérieur dont il était la proie.

Il était fureur, chagrin, culpabilité. Et surtout, il n'était pas humain. Toute sa colère était animale. Il était hors d'atteinte. Que se passait-il ? Sans faire de pause, elle courut pour le rejoindre. Puis lasse de perdre du temps, elle se changea en aigle et prit de l'altitude. L'esprit de Gorok lui servait de repère. Quand elle le localisa, elle plongea et retomba au sol sous sa forme de panthère. La puanteur des warts la saisit aussitôt.

— Tu devais m'appeler s'ils se montraient, reprocha-t-elle à Gorok.

Malheureusement, celui-ci était plus ours qu'homme à cet instant et il ne la remarqua même pas, continuant à faucher tous les warts qui passaient à sa portée. Le guerrier les découpaient quant à lui de manière très efficace. L'inconnue elle-même, se défendait fort bien, jetant des sorts de feu qui se propageaient de dos en dos. Chom était invisible. Pard se fit ourse elle aussi et épaula Gorok.