Pard

Chapitre 7

Quand Pard eut atteint l'orée de la forêt, elle fut saisie par la quiétude qui régnait en ces lieux. Certains arbres étaient encore bien jeunes, tout frais poussés de la dernière décennies, mais plus on s'enfonçait dans les bois et plus on rencontrait de sujets anciens, tordus par les ans, lançant leurs branches en tous sens, projetant une lumière verte à travers leur feuillage épais. L'odeur de l'humus lui chatouilla agréablement les narines. Ah, c'était autre chose que la puanteur de Drys ! Elle descendit de l'arbre où elle avait atterri et laissa avec délice ses pieds s'enfoncer de la mousse. Là, elle se sentait à sa place... Comme à Drys, l'endroit grouillait de vie, mais c'était la vie paisible des bêtes sans tapage. Comme il lui était doux d'entendre le chant des oiseaux plutôt que les cris des chalands !

Elle s'avança plus en avant, vers le cœur de la forêt, s'étonnant de la trouver si vaste. Lorsqu'elle l'avait survolée, elle n'avait vu qu'un grand bois. Quand elle commença à rencontrer des arbres de plus en plus grands et d'espèces qui lui étaient inconnues, elle se posa des questions. Cette forêt était-elle donc magique ? Lorsqu'elle parvint devant une immense paroi rocheuse, elle n'eut plus aucun doute, c'était bien de la magie, une telle masse rocheuse aurait été visible de loin. Elle s'approcha avec prudence, sans pouvoir s'empêcher de s'émerveiller devant la beauté et la puissante de cette nature dont, elle en était sûre, aucun humain n'avait connaissance.

— Bonjour fillette, dit une voix caverneuse.

Un loup étrange la regardait, assis sur son arrière train. Malgré sa forme animale, Pard sentit qu'il s'agit de quelque chose de bien plus ancien et de bien plus dangereux. Elle voyait au travers de son corps, comme s'il n'était pas tangible. Elle résista à l'envie de tendre la main vers lui, ne sachant s'il apprécierait qu'elle essaie de le toucher.

— Bonjour, dit-elle sur la réserve. Qui es-tu ? Un esprit ?

— Je suis l'esprit loup, répondit-il. D'autres esprits vivent ici... enfin, j'entends par là, des esprits animaux. Tu n'es pas vraiment humaine toi non plus... Je sens de nombreuses bêtes en toi. C'est rare, très rare. Ton espèce est en voie d'extinction.

— Pas vraiment, répliqua Pard. Les métamorphes sont nombreux, même s'ils sont dispersés à travers le monde.

— Tu n'es pas une métamorphe, déclara tranquillement l'esprit loup.

— Bien sûr que si ! Toute ma famille était...

— Es-tu sûre que c'était bien ta famille ? susurra-t-il en laissant pendre sa langue entre ses crocs.

— Je... en tout cas, ma mère était une métamorphe !

— Alors c'est de ton père que tu tiens ton talent... As-tu jamais entendu parler des mégamorphes ? Ce sont les ancêtres des métamorphes. Le métissage avec les humains a affaibli cette espèce. Comme eux, tu peux prendre différentes formes et parler avec les animaux...

— Je ne parle pas avec les animaux, le corrigea la jeune fille, agacée par le ton péremptoire de ce loup spectral sorti de nulle part.

— Ce n'est pas parce que tu ne le fais pas que tu ne peux pas le faire, rétorqua-t-il. Essaie à l'occasion, tu seras étonnée ! Viens avec moi, je vais te montrer quelque chose...

Pard, un peu méfiante, le suivit à distance respectueuse. Il se glissait silencieusement entre les arbres, s'arrêtant de temps en temps pour la laisser le rejoindre.

— Pourquoi ne changes-tu pas de forme, enfant ? demanda-t-il. Craindrais-tu de m'effrayer ?

La jeune fille adopta immédiatement l'aspect d'une louve, ce qui eut l'heur de plaire à l'esprit.