07 Décembre

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Les bruits de mastication et de discussion étaient les seuls qui troublaient le silence de la Grande Salle durant le banquet de ce soir.

Quelques jours s'étaient écoulés depuis qu'elle avait quitté Poudlard et ce matin, Hermione s'était sentie prête à revenir. Si la sortie avec Ginny lui avait fait prendre conscience de quelque chose, c'est bien que la vie ne s'était pas arrêtée autour d'elle.

A quoi bon rester enfermée dans cette auberge si le monde continuait à avancer comme avant ?

Elle avait décidé de reprendre ses esprits et de rentrer à Poudlard. Retrouver ces couloirs avait quelque chose de rassurant et d'apaisant. Ces pierres, elle les connaissait presque par cœur. Elle était dans son élément et c'est bien pour cette raison qu'elle avait choisi de rester ici pour faire sa thèse.

De plus, puisque c'était lui qui ne savait pas gérer sa jalousie, pourquoi serait-ce à elle de quitter les lieux ? Elle allait rester ici et si ça ne lui plaisait pas de la croiser, il n'aurait qu'à partir de lui-même. Elle avait d'ailleurs fait exprès d'arriver par la grande porte, ce soir-là.

Lorsqu'il l'avait aperçue, il aurait presque pu s'étrangler avec la purée de son assiette. Il ne s'attendait pas à la voir et encore moins avec ce sourire sur le visage. Alors qu'elle s'approchait pour venir s'asseoir à sa droite, il remarqua pourtant qu'il ne s'agissait que d'une façade. Elle faisait peut-être illusion devant les autres, mais pas devant lui. Il n'était pas crédule et il savait qu'elle n'était pas aussi heureuse et épanouie que ce qu'elle voulait faire croire.

Pourquoi jouer une telle comédie ? Essayait-elle de le faire sortir de ses gonds ? Si ce n'était que cela, il aurait pu qualifier son attitude de pathétique. Mais il n'était pas certain que l'envie de le faire réagir soit la seule raison de son comportement.

Elle voulait donner à ce monde ce qu'il attendait d'elle. Elle était Hermione Granger, la meilleure amie de Harry Potter, une survivante de la dernière guerre. Aujourd'hui, elle se devait de garder constance et d'être heureuse.

Si, finalement, son comportement était pathétique. Au fond, elle était le pantin de ce monde et ça le conforta dans l'idée qu'ils ne pouvaient pas avoir d'avenir ensemble.

Par contre, si elle comptait rester à cette place pour le reste de l'année, les repas allaient certainement devenir pesants et oppressants pour tous le monde. Depuis le début, ils s'était officiellement installés l'un à côté de l'autre, changer maintenant aurait été ridicule. Ca n'aurait fait qu'alimenter des commérages déjà bien trop présents à leur sujet.

Mais s'ils semblaient tacitement d'accord pour ne pas se donner en spectacle inutilement, il ne fallait tout de même pas espérer qu'ils puissent parler tous les deux. C'était le silence complet, mais bien loin du calme plat, tout le monde à la table était témoin de cette ambiance plus qu'orageuse entre eux. Heureusement, les élèves étaient plus préoccupés par leurs assiettes.

Il sentait le regard de certains collègues posés sur lui, certains dégageant très clairement du jugement. Evidemment, si la belle et douce Hermione refusait de lui parler, c'était obligatoirement qu'en tant que sinistre chauve-souris, il était en tord.

Ce comportement l'affligeait, d'une certaine manière, mais il était hors de question qu'il leur fasse le plaisir de quitter l'assemblée et de leur donner l'occasion d'échanger dès maintenant leurs puériles théories.

Est-ce que Minerva avait décidé d'abrégé ce dîner ou est-ce qu'il était réellement passé à une vitesse éclair ? C'était difficile à dire mais tous ressentait un certain soulagement à savoir que cette mascarade était terminée.

Revenue dans sa chambre, Hermione s'était allongée sur son lit, réconfortée de sentir cette douce chaleur l'étreindre. Elle était entourée de toutes ses affaires, tout ce qui lui permettait de se sentir un peu chez elle.

Elle repensait à la tête de Severus quand il l'avait vue arrivée. Même si elle aurait voulu pouvoir s'en réjouir, ce n'était pas complètement le cas. Elle qui d'habitude adorait pouvoir discuter avec lui, notamment aux repas, cela avait été un véritable supplice de l'ignorer de la sorte. Mais elle avait tenu bon, elle avait fait bonne figure, souriant et restant fière.

Elle n'avait pas envie qu'il la voie triste, et elle n'avait pas envie de répondre aux questions des autres professeurs, bien qu'elles puissent être sympathique. Elle avait l'impression d'attiser la pitié, et ça ne lui rappelait que le dégoût qu'elle avait d'elle-même. Tandis que si tout le monde l'admirait pour son sourire radieux, pour son air enjoué ou pour ses yeux pétillants, alors elle parvenait un peu à se persuader que c'était la vérité.

Heureusement, personne n'avait découvert cette façade, pas même lui. Comment aurait-il pu, alors qu'il lui avait à peine accordé un regard ? Il avait passé le repas à fixer son assiette, à répondre aux questions en utilisant exclusivement des monosyllabes ou même à ignorer certaines personnes qu'il ne considérait certainement pas digne de son attention.

Et pourtant, tant de questions lui avaient brûlé les lèvres alors qu'elle était assise juste à côté de lui.

Comment évolue la potion sur laquelle il travaille ? A-t-il remarqué un changement depuis son départ ? Regrette-t-il leur dispute ? Regrette-t-il autre chose ? Mangeait-il correctement ?

Concernant la dernière question, elle avait tout de même été rassurée de voir qu'il était venu au repas. Combien de fois n'était-il pas resté enfermé dans son laboratoire, sans même prendre le temps de boire ou manger ? Elle, qui adorait pourtant les potions, n'en avait jamais fait avec lui. Il disait que c'était son rituel, son moment où il pouvait se retrouver seul.

Oh comme certain jour elle avait pu être jalouse de cette marmite qui le voyait bien plus souvent qu'elle. Au fur et à mesure de leurs disputes, il avait passé progressivement plus de temps enfermé dans son laboratoire et moins de temps en sa compagnie. Et aux moments où, avant, elle pouvait venir ne serait-ce que lui apporter un encas, elle avait ensuite trouvé systématiquement une porte close face à elle.

Un soupçon de magieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant