22 Décembre

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Elle avançait d'un pas quelque peu chancelant, tenant précieusement contre elle une boite toute emballée. Sans le moindre doute, il s'agissait d'un cadeau de Noël mais pas pour elle. Le son de ses chaussures contre la pierre se répercutait, créant un écho tout autour d'elle.

Elle avait rarement été aussi peu assurée pour se rendre dans les cachots. Même le jour où elle était venue rechercher son livre, espérant de pas le croiser, elle avait réussi à garder plus de contenance. Aujourd'hui, elle venait pour tout autre chose.

Sa sortie avec Ginny lui avait permis de trouver sa robe de bal, mais une idée était née durant cette après-midi là. Elle devait lui parler, c'était certain. Ils devaient mettre les choses au clair et elle tenait dans les mains la parfaite excuse pour aller le voir.

Elle allait directement vers ses appartements, espérant l'y trouver. Si pas, elle ne prendrait pas le risque de le déranger dans son laboratoire. Heureusement pour elle, à peine s'était présentée face au tableau que celui-ci s'était ouvert, la laissant voir le propriétaire des lieux.

« Un problème ?

-Non, pas vraiment. Mais je pense qu'on doit parler. »

Il acquiesça discrètement, la laissant entrer, l'air pensif. Depuis leur nuit passée ensemble, il s'était posé de nombreuses questions, à commencer par : où en était leur relation ?

Il l'aimait et en avait pris conscience clairement, mais il ne voulait plus reproduire les erreurs du passé. Il voulait mettre les choses au clair avec elle et, si elle n'était pas capable de le comprendre, alors il mettrait un terme définitivement à cette histoire.

Elle s'était presque naturellement installée dans un fauteuil et il en avait fait de même. Inconsciemment, ils avaient repris la même place que lors de leur dernière dispute, cet éclat si puissant qu'il avait tout envoyé valser entre eux. Le dénouement serait-il différent aujourd'hui ?

Tordant ses mains dans tous les sens, elle ne savait pas par où commencer. Ces derniers jours avaient été tellement perturbants et mouvementés pour elle, tout avait évolué, tout avait changé et elle avait l'impression de perdre tous ses repères.

Jusqu'à présents, elle avait toujours recherché une certaine stabilité, conserver un maximum de choses, notamment de son passé. Garder contenance, rester fière, faire comme si rien n'avait jamais changé, comme si elle était toujours cette jeune femme joyeuse et épanouie. Aujourd'hui, elle remettait tout en question, elle se sentait mieux mais également perdue.

« Je n'aime pas voir les autres te faire de l'œil juste sous mon nez. Et ce qui est d'autant plus blessant, c'est de voir que tu apprécies cette attention qu'ils te donnent. Comme si, moi, je n'avais pas d'importance. »

Sa voix était calme et claire, dénuée d'agressivité et elle lui serait éternellement reconnaissante d'avoir pris la parole le premier. Le fait qu'il ait compris ce qu'elle attendait de leur discussion, sans qu'aucune parole ne soit échangée, la conforta dans l'idée qu'elle devait se battre pour cette relation.

« Justement, j'ai l'impression de ne pas être importante pour toi. Tu es distant, parfois froid. J'ai besoin de savoir que tu m'aimes, que tu me trouves belle.

-Si je ne t'aimais pas, jamais je n'aurais accepté que tu vives avec moi. »

Elle sourit une première fois à cette réponse, échangeant avec lui un premier regard depuis le début de cette conversation.

« Au fond, je le sais ... Mais c'est plus fort que moi. Je me déteste, je déteste ce corps et tout ce qu'il me reste, c'est le regard des autres.

-Mais tu te fais encore plus de mal. Les autres ne savent pas qui tu es vraiment et ils te font aimer une version différente de toi. Tu ne retrouveras peut-être jamais ton apparence d'avant la guerre, mais tu ne peux pas pour autant rester figée dans le passé.

-J'ai du mal à croire que c'est toi qui me parle. Combien de temps es-tu resté dans le passé ?

-Et tu trouves vraiment que suivre mon exemple est la meilleure chose à faire ? »

Il s'était rapproché d'elle, prenant ses mains au creux des siennes comme pour les réchauffer. Il savait, maintenant, ce qu'elle cachait à tout le monde. Même s'il avait du mal à se mettre à sa place, il pouvait essayer d'imaginer ce qu'elle pouvait ressentir.

Elle releva à nouveau le regard et croisa ses iris noires charbon. Il avait toujours eu un regard particulier et elle avait appris à lire cette froideur apparente. Elle avait vu l'homme derrière le masque et progressivement, elle avait envie, elle aussi, de laisser tomber le masque.

Elle avait envie de lui faire confiance, envie de se faire confiance à elle-même. Elle voulait essayer, se battre pour ce renouveau, comme un phénix qui accepte de se consumer pour ensuite renaître de ses cendres et revenir à la vie.

« Je ne veux pas te perdre, Severus. Parce qu'au fond, il n'y a que ton regard, tes paroles, et ta présence, qui comptent. »

Elle hésita à peine quelques millièmes de secondes, avant de s'avancer, capturant ses lèvres dans un baiser tendre et délicat. Les larmes dévalaient ses joues, suite à ces aveux, se mêlant à leurs lèvres.

Il y avait encore tant de choses à dire mais elle n'avait plus de mots à poser sur ses sentiments. Elle avait besoin de le retrouver, c'était devenu presque vital. Il répondit à ce baiser, le transformant progressivement en un baiser plus passionné et moins chaste.

Ce n'est que le bruit du paquet tombant sur le sol qui les ramena tous les deux à eux, les interrompant dans cet élan qui les laissa à bout de souffle.

« Et ça, qu'est-ce que c'est ?

-Ton cadeau de Noël. Je sais que tu n'aimes pas vraiment venir aux bals alors je me suis dit que j'allais te l'apporter directement. »

Touché de cette attention, il ramassa la boite, l'ouvrant avec une grande délicatesse, comme si son contenu pouvait lui exploser au visage à tout moment. Il fut surpris de découvrir un livre à la couverture en cuir et marqué de dorures. A l'intérieur, une gravure était placée face au titre, représentant Shakespeare.

Il connaissait cet ouvrage pour avoir eu envie de l'acheter à de nombreuses reprises. A chaque fois, son côté raisonnable prenait le dessus, freiné par le prix exorbitant. Il ne restait plus que 750 exemplaires de ce livre, faisant de lui certainement le plus cher du monde.

« Tu n'aurais pas dû faire une telle folie.

-Il ne te plait pas ?

-Evidemment que si. Mais il coût plus de 1500 Gallions.

-Je n'avais pas encore dépensé la prime que nous avions reçu après la guerre.

-Tu aurais pu en faire ce que tu voulais. Pourquoi dépenser autant pour un seul livre ?

-Parce que je savais qu'il te plairait. Et j'avais envie de te remercier pour tout ce que tu as déjà fait pour moi.

-C'est une folie. »

Il la regardait, ne sachant pas comment réagir mais dans ses yeux, une flamme de joie brillait intensément. Elle avait l'impression d'avoir face à elle un enfant qui venait de recevoir le cadeau dont il rêvait du Père Noël. Précautionneusement, il redéposa « The Works of Shakespeare », reportant toute son attention vers elle.

Elle suivait ses gestes avec attention, presque impatiente de savoir ce qu'il comptait faire.

Délicatement, il prit son visage en coupe entre ses mains, retrouvant ses lèvres et les dévorant, cette fois avec bien plus de passion et d'envie qu'un peu plus tôt.

Un soupçon de magieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant