09 Décembre

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Après cet interlude durant la réunion, elle avait résolument décidé de se changer les idées. S'il voulait pouvoir rester le même professeur impassible qu'avant, il devait absolument sortir Hermione de son esprit.

Alors, assez étrangement, il avait décidé d'aller à Pré-au-Lard. Tout d'abord parce qu'il connaissait sans aucun doute ce château par cœur et que là-bas, on pouvait le surprendre en pleine réflexion et il en était hors de question. Mais aussi parce que là-bas, s'il devait penser à elle, il savait d'avance qu'il n'aurait que des souvenirs désagréables.

Il ne cherchait pas spécialement à être dégoutté d'elle, mais puisqu'il devait se souvenir de certaines choses, autant qu'elles soient mauvaises. De la sorte, il savait qu'il n'aurait pas envie de retourner vers elle.

Il déambulait dans les rues commerçantes, entrant, par moments, dans des boutiques pour y faire quelques achats. Il regardait principalement les livres, trouvant que sa bibliothèque n'était jamais assez remplie. Elle avait beau presque déborder d'ouvrages, il savait qu'il en manquait encore beaucoup. La bibliothèque dont il disposait à Poudlard n'avait rien à voir avec la pièce entière qui était dédiée à la lecture, dans sa maison de famille.

Quand il s'était installé à l'année à l'école, il avait dû faire un choix et sélectionner uniquement une petite poignée d'ouvrages. Mais sa soif de connaissance ne semblait jamais assouvie et il achetait systématiquement de nouvelles choses, sur des sujets parfois très différents.

Alors qu'il se penchait sur une étagère remplie de livres sur la cultivation des plantes rares, il crût reconnaître quelqu'un au loin. Si son esprit l'avait quelque peu effrayé en lui faisant croire qu'il s'agissait d'Hermione, il s'était bien vite rassuré en voyant qu'il s'agissait d'un homme.

D'une vingtaine d'années, il était plutôt élancé et mince. Sa musculature n'était pas outrancière mais on la devinait parfaitement sous cette chemise cintrée.

Quand il croisa rapidement son regard vert, il sut immédiatement pourquoi cette personne lui était familière. Tout d'abord, il l'avait eu comme élève il y a quelques années maintenant. Mais ensuite, et surtout, c'était l'un des hommes qui avait fait du charme à Hermione la dernière fois.

Il avait l'impression de sentir la colère investir ses veines et courir dans tout son corps alors que le jeune homme avait disparu derrière une étagère, bien plus loin.

Ce jour-là, il avait ressenti l'humiliation ultime. Lui qui avait toujours été craint et détesté de tous, voilà que lui se permettait d'essayer d'attirer l'attention de sa compagne, juste sous ses yeux. N'avait-il donc aucun respect ?

Il sortait très peu en public avec Hermione, craignant particulièrement ces scènes, mais depuis ce jour-là, c'était devenu encore plus difficile de le faire. Hermione n'avait pas compris, bien sûr, bien trop heureuse de se faire admirée et complimenter par un homme qui la trouvait magnifique et le laissait nettement entendre.

Ce jour-là, il n'avait plus parlé de toute la journée, s'enfermant dans un douloureux mutisme. Ce n'est qu'une fois rentré, après qu'elle lui ait une énième fois demandé pourquoi fallait-il qu'il soit si désagréable qu'il avait explosé. Une nouvelle dispute avait éclaté et leur réconciliation n'avait eu lieu que très tard dans la nuit.

Au fond de lui, il ne savait pas trop à qui il devait en vouloir le plus.

Que ce jeune homme ne le respecte pas ne l'étonnait pas vraiment, mais il avait tout de même espéré garder un semblant de contenance. Mais venant d'elle, c'était certainement ce qui était le plus blessant.

N'était-elle pas sensée partager sa vie ? Ne devait-elle pas le soutenir, contre vents et marées ?

Elle avait à chaque fois cet air empli d'incompréhension quand il lui en parlait et ça l'énervait d'autant plus. Il avait l'impression qu'elle ne comprenait pas, ou plutôt, qu'elle ne voulait pas comprendre. Elle était la sorcière la plus intelligente de sa génération. Même si ça lui coûtait parfois de l'admettre, il savait que ce titre, elle ne l'avait pas volé.

Mais apparemment, quand il était question d'interagir avec ses semblables, elle était bien moins dans son élément.

Il n'était pas dupe : il savait qu'elle avait changé depuis la guerre. Elle n'était plus la jeune enfant qui était entrée à Poudlard pour la première fois, mais n'était-ce pas la même chose pour tous ? Entre leur premier et leur dernier jour, tous les élèves sont différents. D'autant plus, quand les batailles et la guerre ont occupés toute votre scolarité.

Pourtant, elle avait le monde a ses pieds. Seule femme du Trio si précieux aux yeux de tous, elle n'avait qu'à faire un pas pour attirer tous les regard vers elle. Ce point particulier le blessa, d'une certaine manière, le renvoyant à l'une des questions qui pour lui n'avait toujours pas trouvé de réponse : pourquoi lui ?

Décidément, lui qui avait espéré pouvoir se changer les idées en quittant Poudlard, on ne pouvait pas vraiment dire que c'était une réussite.

Hermione avait représenté tant de choses pour lui ces dernières semaines. Il aurait aimé pouvoir garder le même masque d'indifférence qu'avec les autres, mais seul face à lui-même, il ne parvenait pas à nier l'évidence. Elle avait véritablement compté pour lui et avait, d'une certaine manière, laissé un vide dans son sillage.

Il ne regrettait pas d'être parti, parce qu'il savait que ça avait certainement été sa meilleure décision. Mais il regrettait que la situation ait dépérit jusqu'à ce point fatal.

Installé à une table de la taverne, il fixait son verre sans grande conviction. Il n'essayait même plus de garder son masque. Il avait trouvé une place isolée, dans le fond de la salle. Sur la chaise en face, il avait déposé sa cape et ses quelques achats, faisant comprendre à tous qu'il ne désirait aucune compagnie. Il avait l'air si austère qu'aucun client n'oserait venir le déranger.

La nuit tombait progressivement, mais il n'était pas certain de vouloir rentrer. Ce château avec ces longs couloirs lugubres et glacials, ses appartements empreints de souvenirs douloureux. Comme cette année allait lui sembler longue jusqu'au mois de juin. Comment diable allait-il pouvoir tenir ? Il n'était pas naïf : l'ignorer et l'éviter de la sorte allait fonctionner un temps, mais certainement pas plusieurs semaines et encore mois jusqu'à la fin de l'année.

D'ailleurs, est-ce que Minerva était allée parler avec Hermione comme elle avait essayé de le faire avec lui ? Dans tous les cas, il pouvait mettre sa main à couper qu'elle avait été bien plus douce et conciliante qu'avec lui.

Sur cette pensée un peu sombre, il termina son verre d'une traite, se donnant le courage de rentrer.

Un soupçon de magieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant