Il suffit d'un mot

Flammes

Lorsque j'ouvre les yeux, je suis allongée sur la pierre froide. Une vive lumière me brûle les yeux, je dois cligner plusieurs fois des paupières pour retrouver la vue. A quelques pas sur ma droite, il est plié sur lui-même, l'ombre encore légèrement accrochée à lui semble s'étirer de souffrance sous la lumière vive provoquée par mon coup au niveau de leur lien. L'épée vole et tournoie au-dessus de nous.

Je sais que le combat n'est pas terminé.

L'ombre tend une extrémité vers moi, je roule au sol pour lui échapper. Je découvre en même temps l'arc dans ma main et sa corde de lumière qui scintille, comme s'il me signifiait qu'il était prêt à se battre. Je me relève d'un bond en arrière.

L'autre se relève tout aussi rapidement et tend une main vers le ciel, attrapant l'épée d'un geste fluide. Il abaisse son bras tout en se retournant, brisant le reste du lien de la noirceur.

Il n'est plus seul. Il n'est plus sans armes.

La forme sombre ondule doucement, comme si elle nous jaugeait. Je resserre l'arc dans ma main et passe mes doigts de la poignée à la corde, une flèche de flammes apparait sous mon geste. Je bande la corde en gardant la forme bien à l'œil.

Elle esquisse un mouvement, mon cœur se serre de peur, je lâche la flèche qui file dans un sifflement à quelques centimètres au-dessus de notre ennemie. Ma gorge se noue, je jette un regard vers l'autre qui m'observe calmement. Il incline la tête comme pour me remercier ou me dire qu'il a confiance, je ne sais pas trop. Je redresse mes épaules et reforme une flèche.

Il s'élance alors vers la forme sombre en levant son épée et engage un combat fluide et rapide avec elle. Leurs mouvements se mélangent devant mes yeux, le cliquetis des armes tinte à mes oreilles comme une mélodie enivrante. J'en oublie ma principale place de soutient, je fixe leur danse hypnotisante au point de faire disparaitre ma flèche.

La forme sombre semble remarquer mon apathie et tente de me frapper d'un violent coup de fouet. Il s'interpose au dernier moment. Le coup plus fort le fait voler en arrière sur quelques mètres. Je le regarde rouler au sol, baissant les bras, atterrée. Il est couvert de petites taches noires à la texture luisante.

Comment peut-il tomber... ?

Je me souviens alors, comme une douche froide, que je ne suis pas qu'une simple observatrice. La forme sombre glisse lentement vers lui pendant qu'il se remet debout difficilement. Je secoue la tête, cela ne peut pas lui arriver encore.

Je lève la tête et trouve un pan de falaise surplombant la zone et me mettant assez loin de la portée de la noirceur pour qu'il garde sa concentration.

Je me mets à courir aussi vite que je le peux, regardant de temps en temps vers le duo. L'espace entre eux diminue plus vite que ma course vers ce point stratégique. Je ferme alors les yeux et tend les bras vers la falaise.

Je me sens soulevée, portée par des ailes aux plumes brunes et sombres. Je cligne des yeux, légèrement déboussolée, perdant mon équilibre un instant avant de reprendre le contrôle et d'atteindre mon but.

Je me pose en douceur et prépare ma flèche. Le combat entre l'autre et la forme sombre a repris. D'ici, le tintement des coups ne m'atteind presque pas, je garde donc tous mes sens en éveil. Je bande la corde, inspire profondément et lâche ma flèche qui fuse dans un trait de feu sur la forme sombre et la transperce de bout en bout. Son hurlement est horrible.

Comme un milliers de voix qui souffrent en même temps.

Je trésaille l'espace d'une seconde avant de refaire une autre flèche et de tirer. Je ne vois plus que des flammes.

Feu sur la flèche.

Feu dans le ciel sur leur trajectoire.

Feu sur la forme sombre.

Des milliers de flammes... Des milliers de cris. Des milliers de voix qui appellent au secours. Des milliers de picotements qui m'assaillent.

Mes mains me font mal. Mes doigts se crispent de plus en plus, fatigués. Mes bras se baissent petit à petit et pourtant je continue de viser vers chaque parcelle de noirceur que je vois.

Mais dans mon esprit, il n'y a que des flammes.