Murmures 1

1 0 0
                                    

Je regarde autour de moi cette grande étendue herbeuse dont on ne voit aucun horizon. Je me sens tout à coup rempli d'une froideur sans nom. Un frisson glacial me traverse de part en part, je m'entoure le torse avec les bras.

Je vais me retrouver totalement seul.

L'autre moi regarde encore un instant le ciel avant de baisser son regard sur moi. Il comprend ma pensée et semble secouer doucement la tête de droite à gauche avant de tendre ses mains vers moi.

Il a confiance en quelque chose que je ne connais pas encore.

Le seul moyen que j'ai de tout comprendre, c'est de fusionner.

Je ferme les yeux un instant. Je semble flotter pendant ces quelques secondes où le choix s'offre à moi de ne pas tout comprendre pour ne pas ressentir la solitude à nouveau... Ou de l'accepter le temps de tout comprendre...

C'était déjà un choix très difficile de ne pas attendre l'autre et d'avancer presque seul sur le chemin devant elle. Maintenant je dois me retrouver totalement seul...

Sans savoir si elle me rejoindra un jour sur cette route pour la poursuivre avec moi.

Il y a les réponses devant moi et je ne sais pas si je peux les perdre si je refuse de fusionner au moment où je le devrais...

Le risque en vaut-t-il le prix d'un autre moi marchant à mes côtés plus longtemps ?

Je relève la tête vers l'autre moi tout en détachant lentement mes mains de mon corps.

Le contact avec sa peau provoque une lumière très vive qui jaillit de tous côtés pour nous entourer totalement dans une bulle de lumière. Je ne vois plus le sol et me demande même si je le touche encore. Un vent léger tourne autour de nous, caressant ma peau, jouant avec mes cheveux. Dans ce vent, j'entends le son diffus de hurlements que je reconnais très vite : le cri d'un jeune renard et le hurlement d'un loup.

Je les entendais déjà dans la brume à chacun de mes voyages.

Ils se détachaient tous deux du brouhaha des animaux qui parlaient à tords et à travers derrière cette brume. J'en comprenais les sens bien mieux que tous les autres langages.

Tout comme je comprends avec grande facilité le langage que nous avons créé avec l'autre...

C'est à cet instant que je rouvre brusquement les yeux.

Lorsque je comprends enfin les murmures de la pierre.

Je me revois passer encore et encore devant cette pierre aux murmures enjôleurs que je ne comprenais pas. Je ressentais cet appel puissant à être entendu, écouté... Retenu. Je ne pouvais pourtant pas y répondre.

La frustration m'a poussé à ne plus y faire attention.

Puis la colère m'a fait la jeter au loin, vers quelqu'un qui, sans doute, certainement même, m'aidera à les traduire.

Et nous avons créé ce langage tous les deux. Nous l'avons forgé, construit, entretenu et complété au fil du temps. Ce même langage que les murmures de la pierre.

Qui racontent tout unehistoire...

Il suffit d'un motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant