Analyse

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Comprendre certaines choses n'est pas toujours aisé. C'est une tâche infinie, car les messages arrivent constamment pour qui sait les entendre et surtout les écouter.

Je suis toujours assis, l'esprit perdu dans mes souvenirs. Plus que m'y penche, plus ils se font insistant, allant parfois jusqu'à se mélanger dans leur temporalité. Je dois me faire violence pour tout détailler dans l'ordre.

Je sens qu'il le faut.

Pour voir ce que je n'ai pas vu, entendre ce que j'ai pu louper, ressentir les faits tels que je les ai vécus avec le recul nécessaire pour tout assimiler.

Pour en comprendre le sens.

C'est important.

Je continue d'avancer dans cette brume. Elle fait presque partie de moi, je m'y suis habitué très vite. Je ne m'attarde pas sur la pierre lors de mon second passage. J'entends son murmure sans le comprendre encore une fois.

Ce n'est pas le langage des animaux.

Avec une légère frustration, je continue d'avancer, laissant son murmure diminuer puis s'éteindre lorsque je suis loin. J'attrape la fleur au vol et la pose sur le morceau de bois tordu sans observer sa transformation.

C'est une chose que je dois faire même si son sens m'échappe également. J'ai cependant cette vive sensation que je dois me presser donc j'avance encore.

Les voix m'entourent enfin. Je ressens leur présence et savoure cette puissance un court moment. J'ai loupé quelque chose la fois précédente, je le sais. Je me force donc à avancer tout en prenant garde à ne pas me laisser abattre lorsque je m'éloigne des voix et de leur force.

J'avance plus lentement et c'est ainsi que je le remarque enfin.

L'arbre.

Je m'en approche et pose une main contre son tronc. Ses branches bruissent doucement au-dessus de moi. Je lève les yeux et prend le temps d'observer chaque détail de ses feuilles, ses branches et son écorce jusqu'aux racines qui s'enfoncent dans la pierre.

Comme pour signifier que malgré ce sol solide, il peut s'élever vers le ciel et vivre là où il le décide. Il était peut-être là avant la pierre. Peut-être pas. Peut-être a-t-il vaillamment percé cette pierre pour s'installer et grandir, dressant un enchevêtrement de branches logiques pour absorber l'eau et la lumière nécessaire à sa survie.

Puissance incarnée d'un choix qui peut paraitre difficile mais qui en vaut la peine malgré tout.

Il me donne presque envie de m'incliner face à cette sagesse immense. Je sens qu'il me réserve encore des surprises.

Je retire ma main de son écorce et m'éloigne sans lui tourner le dos un moment afin de graver en moi son image et sa leçon de courage.

Je me tourne enfin vers la suite de ma route et m'éloigne, l'esprit rempli de pensées et de questions. J'avance sans lever véritablement les yeux pendant un moment. Ce n'est qu'en voyant le pont sous mes pieds que je me rends compte que j'ai à nouveau manqué quelque chose. Je tente de faire demi-tour mais un mur invisible m'en empêche.

Je marmonne contre moi-même et poursuis ma route. Je suis toujours déterminé à vaincre cette forme qui m'attend sur la falaise. Je remarque à cet instant que j'étais tellement concentré lors de ma route que je n'ai pas ressenti cette présence qui me suivait la première fois.

Je me dis alors que la forme ne sera sans doute pas là. Mi-rassuré, mi-inquiet, je pose un pied sur la falaise en regardant tout autour.

Rien ne se produit.

Je souffle alors et avance d'un bond pas sur ce sol en pierre. Arrivé au milieu de la falaise, je perçois l'air qui se met à vibrer doucement puis de plus en plus fort. Mon esprit se met à divaguer lentement, caressant l'idée qu'il m'est douloureux de poursuivre ma route seul.

J'ai presque envie de tenter de descendre la falaise sur ma droite pour faire demi-tour en évitant le mur invisible.

Je m'approche du bord et en constante la hauteur. Un frisson me parcoure le dos.

Je me retourne rapidement juste à temps pour voir la forme sombre se jetter sur moi.

Je tombe à nouveau avec elle sans avoir pu faire un seul mouvement pour l'éviter.

Voulais-je vraiment l'éviter cette fois ?

Mon esprit se fait assaillir de colère, de haine et de douleur lorsque je touche à nouveau le sol brutalement. Il n'y a plus que du noir autour de moi et cette sensation de brulure sur toute ma peau.

Puis je rouvre les yeux.

Cela vaut-il vraiment le coup de souffrir pour ne plus être seul ?

Je serre les dents pour ne pas laisser les autres questions prendre place et exister réellement dans mon esprit. Je secoue la tête et reprend ma route à nouveau, tentant encore de trouver une explication, une aide, un conseil quelconque dans tout ce qui est sur mon chemin.

Je n'apprends rien de plus auprès de la pierre, du bois tordu, des voix ou de l'arbre.

Déçu, en colère et agacé, j'avance rapidement.

Jusqu'à la rivière.

J'ai pris soin cette fois de marcher assez lentement lorsque je me doutais arriver non loin du pont pour le pas louper le détail qui me manquait.

Reflet d'un visage fatigué, perdu et néanmoins déterminé. Je m'observe un moment sans vraiment ressentir quoi que ce soit devant mon image.

Bonjour moi. Tu existes continuellement et tu avances malgré tout, je me demande bien pourquoi puisque c'est pour échouer là-bas.

Je penche légèrement la tête.

Parce que tu sais, au fond de toi, que comme cette rivière, tu as une destination et tu trace donc ton chemin. Peu importe le sol sur lequel tu dois avancer, s'il le faut, tu le creusera à force de repasser encore et encore et ta route sera donc dessinée. Si ce n'est le toi du début qui galère à avancer sur cette pierre, ce sera le toi de la fin qui te laissera glisser sur toutes les autres molécules d'eau pour avancer simplement.

Je souris doucement.

C'est entendu. Je vais tenter diverses expériences pour trouver comment vaincre cette forme.

Et pourquoi pas, ne plus être seul...

Je suis prêt à recommencer autant de fois que nécessaire.

Parce qu'il y a un passage à tracer dans cette pierre.

Une route qui est la mienne, avec un horizon derrière cette falaise.

J'espère seulement ne pas me perdre dans cette tentative qui promet d'être répétitive... Parce que je veux bien me soumettre encore à cette forme pour en apprendre plus sur elle mais cela ne signifie pas que je vais me laisser atteindre facilement.

Encore moins souffrir si cela ne me garantit rien en retour.

Je lève les yeux vers le ciel qui se teinte en rouge et me promet à moi-même que si jamais je ne parviens plus à supporter cette épreuve, je trouverais un moyen d'y échapper définitivement avant de perdre l'esprit.

C'est avec cettepromesse gravée en moi que traverse à nouveau le pont pour me diriger vers lecombat.

Il suffit d'un motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant