Trauma

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C'est froid, la pluie.

Je reste un moment indéterminé à genoux sur ce sol froid. L'eau qui ruisselle du ciel glisse sur ma tête, mon visage, ma peau, mon corps tout entier. Elle fait glisser le sang qui coule de mes légères plaies et le mène au sol, sur cette pierre froide, glissant vers le bas de la falaise en de petits sillons.

Elle lave les tâches de sang et de noirceur qui jonchent la zone tout autour de nous.

Elle imbibe les plumes tombées, les plaquant à la terre comme j'ai l'impression de l'être. Je me sens lourde. Je me sens froide. Je ne comprends pas.

Je ne sais même pas ce que je ne comprends pas.

Je ne sais pas à quoi je réfléchis depuis si longtemps, posée ainsi, immobile, silencieuse. Je ne sais pas si je réfléchis vraiment.

Je n'entends pas grand-chose. Le murmure de la pluie qui tombe sur la pierre, sur les flaques d'eau déjà présentes, sur moi, sur les autres dans mon dos... Leur murmure, aussi. Parfois lent, posé, parfois un ton plus rapide, inquiet.

Incessants murmures.

Nous décidons de bouger. Ils décident, plutôt, et je les suis. Je me lève lentement, resserrant ma couverture trempée contre moi. Je fais quelques pas derrière eux, moins rapide. Ils semblent savoir où aller et y vont d'un pas sûr.

Le mien est tremblant.

Mes pieds glissent parfois sur le sol humide pourtant j'avance. Je les suis vers ce petit chemin dissimulé le long de la falaise qui semble descendre vers l'autre côté. Ce côté inaccessible avant.

Je ne vois pas ce qu'il y a en bas. Des nuages bas couvrent l'horizon.

Est-ce que cela m'intéresse ?

L'écart entre eux et moi s'agrandit à chaque fois que le ciel devient rouge. J'ai le pas plus lourd, les pieds froids, les mains gelées. J'avance à mon rythme. Je ne me force pas à les rejoindre. Rien ne m'y oblige. Je sais qu'ils murmurent. Ils murmurent là, plus loin, assis l'un près de l'autre à m'attendre.

Tout ce que je vois, c'est qu'ils vont plus vite et que je reste en arrière.

Seule.

Lorsque le ciel commence à devenir plus clair, car le bleu a disparu derrière les nuages, je fais une pause. Et à chaque fois, je reste silencieuse.

Dans mon cœur, la lumière change. Elle se pare d'ombres de ci de là. Dans mon esprit, des mots difficiles se créent.

Douleur.

Peine.

Paralysie.

Cauchemar...

Je me relève chaque fois qu'il est un peu plus clair et je les rejoins là où ils m'attendent. Je ne les regarde pas. Pas vraiment, je vois leurs jambes et leurs pieds et je sais quand ils font demi-tour pour reprendre leur chemin.

Je ne comprends plus vraiment ce qu'ils me disent, s'ils me parlent. Je n'entends que des murmures.

La pluie cesse enfin de tomber lorsque nous posons le pied sur de la terre humide en bas de la falaise immense.

Ce silence soudain me percute comme un coup de poing en plein cœur.

J'entends alors un cri déchirant.

Mon propre cri.

Il suffit d'un motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant