Les Maraudeurs et la Rose du Chaos (tome 2)

Chapitre 62 - LILY EVANS

Comme chaque lendemain d'Halloween, la journée de cours fut banalisée pour le plus grand bonheur des élèves. Tout le monde avait beau parler avec enthousiasme de comment ils profiteraient de cette journée de liberté, Lily devait être la seule dans toute la Grande Salle à afficher une mine morne et abattue. Tout comme le ciel alourdi par les nuages, dehors, elle était triste et avait des yeux rougis par les larmes.

Lorsque Mary et Eugénie l'avaient rejointe la veille à l'issue de la soirée d'Halloween, elles l'avaient trouvée assise sur son lit à pleurer. Lily leur avait raconté ce qui s'était déroulé au moment où elle s'était rendue à la table des Serpentard ; la façon dont Avery, Mulciber et Nott s'en étaient pris à elle, l'absence de réaction de Severus et l'agression de Nausicaa. Ses amies l'avaient consolées du mieux qu'elles le purent et elles avaient même dormi toutes les trois dans le même lit. Lily leur était grandement reconnaissante d'avoir été aussi gentilles avec elle.

Cependant, en cette matinée du 1er novembre, son moral était toujours au plus bas. Elle ressentait la même chose que l'année dernière, lorsqu'elle avait compris que sa sœur la traiterait à jamais comme un monstre. Après avoir perdu Pétunia, elle perdait à présent un ami qui lui avait été cher.

Elles ne restèrent pas longtemps dans la Grande Salle. Mary et Eugénie comprirent vite que Lily avait besoin de calme. Quelques secondes plus tard, elles traversaient déjà le hall d'entrée pour grimper les escaliers qui menaient à la tour de Gryffondor.

Elles étaient à peine arrivées au premier palier qu'une voix l'interpella.

- Lily ! Lily, attends !

Soupirant, elle se retourna et regarda, sans une once de surprise, Severus qui grimpait quatre par quatre les marches de l'escalier.

- Dégage de là, Rogue, lui lança Eugénie d'un ton agressif, Lily ne veut plus te parler. Lily ? Tu viens ?

Elle hocha la tête et commença à franchir les premières marches d'un nouvel escalier à la suite de ses amies.

- Lily, s'il te plaît ! reprit la voix implorante de Severus dans son dos. Laisse-moi te parler... T'expliquer...

- Lui expliquer quoi, Rogue ? répondit Mary. Tu n'es pas un vrai ami. Lily ne veut plus te parler, c'est clair ?

Severus regarda Lily dans les yeux. Elle lut dans ce regard un sentiment de panique et une volonté de s'excuser.

- C'est vrai ? lui demanda-t-il d'une voix tremblante. Tu ne veux plus être mon amie ?

Lily garda les yeux résolument fixé sur une partie du mur situé derrière Severus, bien décidée à ne pas lui répondre.

- Evidemment qu'elle ne veut plus te parler ! Tu as vu comment tu l'as traitée, hier soir ?

Severus ignora complètement Mary.

- Ecoute, dit-il d'un ton qu'il essayait de maîtriser au maximum, peut-être que tu ne veux plus être mon amie, mais... Tu ne peux pas nier qu'on a été amis, tous les deux. De bons amis, qui plus est. Au nom de cette amitié, laisse-moi au moins m'expliquer.

Lily sentit une colère noire monter en elle. S'expliquer ? Comment pourrait-il justifier ce qui s'était passé hier ? Non, elle n'avait pas du tout envie d'entendre ses explications. En revanche, elle avait des choses à lui dire.

- C'est bon, les filles, dit-elle en se retournant vers Mary et Eugénie, vous pouvez monter. Je vous rejoindrai dans la salle commune.

- Lily... Tu n'es pas obligée de...

- Je sais, Mary. Ne t'inquiète pas, ce ne sera pas long.

Mary finit par hocher la tête. Elles adressèrent un regard rempli de reproche à Severus avant de disparaître dans les escaliers.

Dans une posture inspirée de celle que prenait Coco dans sa bande-dessinée préférée, Lily croisa les bras contre sa poitrine et darda un regard furieux sur Severus dans un silence glacé.

- Lily, je sais que tu es en colère, commença ce dernier d'une voix incertaine, je sais que je me suis mal comporté mais...

- Il n'y a pas de « mais », Severus, coupa Lily avec cette envie soudaine de lui dire ses quatre vérités, tu as choisi ton camp, hier. Tu dis que nous sommes amis ? C'est comme ça que réagissent les amis selon toi ?

- Non... Je sais que j'ai fait n'importe quoi...

- Tu n'as pas fait n'importe quoi. Tu n'as rien fait. Tes amis stupides m'ont traitées de Sang-de-Bourbe – au passage, merci de m'avoir expliqué ce que ça signifie... Oh, non, attends ! Ce n'est pas toi qui me l'as expliqué, c'est Jenna Potter ! Toi, comme d'habitude, tu as évité le sujet. Tes amis, eux, m'ont insultées et m'ont jeté des trucs comme si je n'étais qu'un vulgaire animal. Et toi, tu es resté de marbre. Tu t'en fichais complètement.

Severus semblait de plus en plus paniqué. Une de ses mains restaient crispée sur le parapet du palier donnant sur le hall.

- Non, je ne m'en fichais pas...

- Tu passes ton temps à insulter les Maraudeurs et à les accuser de tous les maux du monde. Mais toi, est-ce que tu vaux mieux qu'eux ? Jamais les Maraudeurs ne m'ont insultée de Sang-de-Bourbe. Et ils ont beau avoir plein de défauts, je sais que jamais ils ne me diront ça. Et surtout, eux, ils sont loyaux les uns envers les autres. Jamais ils ne laisseraient un membre de leur bande se faire agresser sans intervenir, eux !

Severus avait tellement pâli que Lily avait l'impression qu'il allait tourner de l'œil. Elle savait qu'elle avait touché la corde sensible idéale avec lui. Et le plus horrible était qu'il savait que tout ce qu'elle venait de dire était vrai.

- Tu... Tu ne peux pas... Tu veux dire que...

Il semblait incapable de dire quoique ce soit d'intelligible. Et Lily se rendit compte qu'elle ne voulait même pas entendre ses justifications.

- Tu sais quoi, Severus ? Je vais te rendre service. Ça se voit que tu es déchiré entre tes amis de Serpentard et ton amitié avec moi. Maintenant, tu n'auras plus ce problème. Toi et moi, nous ne sommes plus amis.

Sans attendre de réponse ou de supplications – que Severus était à deux doigts de faire –, elle lui tourna le dos et grimpa vivement les escaliers. Durant tout le trajet vers la salle commune de Gryffondor, elle se sentait contente. Contente d'avoir dit tout ce qu'elle avait sur le cœur, tout ce qui la dérangeait dans son amitié avec Severus depuis le début de leur scolarité à Poudlard. Contente de lui avoir tenu tête, aussi.

Mais lorsqu'elle passa sous le portrait de la Grosse Dame, elle ressentit une profonde tristesse. Elle venait de perdre un ami très cher malgré cette relation étrange et, parfois, douloureuse.