1 - Samay

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Tw : Description de blessures, mention du viol, de la torture et de la mort

On le traînait. Il n'était plus assez fort pour se porter sur les deux frêles membres qui lui servaient de jambes. Il n'était plus assez fort pour sentir le froid du carrelage contre ses cuisses, ses genoux, ses pieds. Il n'était plus assez fort pour sentir le fer de ces menottes lui mordre la peau des chevilles et des poignets. Il n'était plus assez fort pour regarder son escorte, il se souvenait juste que derrière les armures, il y avait des hommes qui lui avaient prêté allégeance et qui avaient fini par le trahir. Il n'était plus assez fort pour ressentir de la haine envers ces soldats royaux, ou même quelconques sentiments si ce n'est celui du désespoir. On l'avait enfermé, affamé, torturé et séparé de son enfant.

Il ne se rendit pas compte qu'ils franchirent les grandes portes en bois centenaires qui annonçaient l'entrée de la salle du trône. Il s'agissait de la plus grande pièce du palais. Il cligna plusieurs fois des yeux pour s'adapter à la lumière vive dispensée en grande partie par différents lustres en forme de fleur qui pendaient au plafond, mais aussi par un immense moucharabieh composé de motifs complexes. Devant celui–ci se trouvait le trône, sur une estrade protégée par deux grandes statues de licornes cabrées. Il s'agissait d'un simple fauteuil en pierre recouvert d'un coussin. Autour se trouvaient des plaques en or finement ouvragées, rappelant dans leur agencement une fleur ouverte.

Les gardes qui traînaient le prisonnier lâchèrent soudainement prise. Il s'affaissa au sol et poussa un long râle de contentement, il ne s'était pas allongé depuis plusieurs jours et jamais le sol ne lui avait paru aussi confortable. Après ce qui sembla durer quelques secondes pour lui, on l'empoigna par les cheveux qu'on lui avait raccourcis quelques jours plus tôt, comme son membre viril, et on le força à se tenir sur ses genoux trop fragiles.

Il était nu, sale, laid, le bassin et les côtes saillantes. Sa peau couleur caramel était devenue marron foncé, presque noire à cause de la couche de saleté et de sang qui le recouvrait. Ses cheveux autrefois roses et éclatants étaient devenus bruns et gras, collés entre eux par un mélange de sang et de crasse. Son corps était couvert de blessures à peine refermées qui, pour certaines, laissaient encore échapper le précieux liquide rouge. Le moignon gauche qui autrefois était une main, avait été brûlé à vif, comme son entre-jambe et son flanc droit. Il portait d'autres brûlures sur son visage, mais il ne pouvait les voir.

Il leva la tête et regarda un peu plus les personnes qui se trouvaient là. C'est avec horreur qu'il découvrit la cour entière réunie pour assister à sa déchéance, certains ricanaient à la vue du condamné, d'autres ne lui accordaient pas un regard et préféraient baisser les yeux devant le spectacle miteux qu'il offrait. Puis, il le vit, assit sur son trône, agitant sa queue touffue avec satisfaction.

Ce dernier répondait au doux nom de Tey'ro Prihya. C'était un thérianthrope. Son peuple se caractérisait par une apparence en partie animale. Il était né avec les attributs d'un écureuil comme le montrait ses griffes ou sa longue queue. Sa chevelure brune et rousse était tressée et encadrait son visage révélant deux oreilles pointues. L'homme arborait son épée aux reflets bleus et violets, Apeke, remise au Gardien à sa nomination, qui pendait majestueusement sur son flanc gauche tout comme la pierre de Genaye suspendue contre son torse. Il portait un ensemble sobre, une veste longue, un pantalon bleu foncé qui épousait parfaitement ses formes et des bottes lustrées qui enserraient ses mollets.

À ses côtés se trouvait la jeune fille du prisonnier. Elle l'appela mais elle se tut subitement. Tey'ro venait de tirer un coup sec sur la chaîne autour du cou de l'enfant. Le condamné remarqua immédiatement que ce spectacle avait pour but de l'énerver, car elle était trop impétueuse pour avoir connu ne serait–ce qu'une seconde, l'emprisonnement et les coups.

Le clan des disparusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant