Il fut tiré de ses songes par un bruit inconnu. Il se rendit compte qu'il s'était endormi sur les contes de Samay, la plume à la main. Il bâilla et réunit les paperasses pour donner de l'ordre à son travail. La lune brillait assez pour éclairer ces gestes. Il se leva de sa chaise pour aller profiter des dernières heures de sommeil avant le lever du soleil.
Un autre bruit retentit, plus grave et plus sourd.
Fanrei se retourna. Le bruit venait du mur derrière le fauteuil. Il s'en approcha. Il passa la main sur les pierres froides et décela une ouverture très légère au toucher. Comme si le mur avait été ouvert. Il alla au salon intérieur, prit un couteau et alluma une bougie. Il retourna dans le bureau et chercha de nouveau la petite fente.
Il fut époustouflé, le mur avait bougé et révélé une petite ouverture. Il y glissa sa main et tira la cloison. Le passage secret s'ouvrit en grinçant. L'albinos s'arrêta net.
Une silhouette se trouvait là, immobile, de dos, en train de descendre dans la pénombre. Ils restèrent là, sans bouger. Il ne savait pas quoi faire.
Brusquement, elle s'engouffra dans les entrailles sombres du palais. Il la héla. Observant l'inefficacité de ses paroles, il la poursuivit. Il entendit un cri de surprise puis un son sourd.
C'était sa chance !
Il accéléra dans sa descente et comprit rapidement pourquoi l'inconnue avait hurlé. Il se sentit tomber et il cogna les marches très rapidement. Il dégringola les escaliers, tentant de se mettre en boule en vain.
Il s'arrêta enfin.
Il grogna de douleur. Il avait le dos en compote. Il ne bougea pas, épuisé de sa descente. Il décida de bouger quand le froid commença à se faire sentir. Le noir complet ne facilitait pas ces gestes. Il respira difficilement, il avait sûrement une ou deux côtes de fêlées, et beaucoup d'os en bouillie. Il toucha le mur le plus proche avec sa main, et le suivit en boitant.
– Tu es pitoyable...
Il retint son souffle.
– Samay ?
Il était vêtu simplement, comme quand il venait incognito dans la ville basse. Sans apparat, les cheveux détachés qui lui arrivait au-dessus des épaules, sa brûlure qui remontait sur son visage. Il le regarda avec pitié, comme lors des premiers jours qu'ils avaient passés ensemble. Ce n'était pas possible, il devait délirer.
– Que t'est-il arrivé Fanrei ?
– Je suis tombé...
Il sentit un angle, puis un mur sans aucune ouverture, un cul-de-sac. Il était parti du mauvais côté.
– Tu sais où je suis ?
Le dieu ne répondit pas et le suivit, évitant de l'approcher. Il continua sa recherche de sortie dans le noir.
– Tu as vécu tes derniers instants comme ça ? Dans le noir ?
– Oui, mais la seule lumière que j'ai entrevue était celle de ma mort inéluctable.
Il devait vraiment être bien tombé sur la tête pour s'imaginer discuter avec Samay, mort depuis presque un an maintenant. Il était seul dans les boyaux du palais. Il continua de marcher lentement, en faisant en sorte d'avoir le moins mal possible. Il sentit que la pierre changeait une nouvelle fois sous ses doigts.
C'était une porte.
Il trouva aisément la poignée et pénétra dans la pièce. Il recula quand il vit la lumière des champignons luminescents, assez nombreux pour éclairer faiblement la pièce, mais assez pour surprendre l'albinos.
La pièce ressemblait à un atelier, un plan de travail encombré occupait une majeure partie de la pièce, une chaise qui se casserait s'il s'asseyait dessus et beaucoup trop de chandeliers. Il en alluma un, puis tous les autres, diffusant une agréable lumière jaunâtre.
Il remarqua que l'un des murs était ouvert sur toute sa longueur, donnant une vue parfaite sur une immense pièce. Il comprit alors qu'il se trouvait dans les embarcadères du palais, condamné des siècles plutôt. Il comprit la chance extraordinaire qu'il avait eue en tombant, il avait chuté jusqu'au niveau de la mer, soit près de huit étages.
Il se retourna et fut intrigué par l'objet trônant sur l'établi. C'était une botte à laquelle était relié une structure métallique la surélevant du sol. Il la prit et fut étonné par son poids, l'objet était plus léger que ce qu'il pensait. Les côtés externes de la botte avaient été renforcés par des barres de fer assurant un maintien de la jambe. Il comprit en regardant le prototype qu'il s'agissait d'une arme, fait pour que le porteur soit plus rapide et puisse tuer avec ses jambes. C'était ingénieusement conçut.
– C'est toi qui les as créé Sam ?
Il se retourna pour trouver le dieu. Celui-ci se manifesta dans le dos de l'albinos et pointa le mur en face.
– Les croquis seulement.
Fanrei releva la tête et vit alors les divers croquis piqués dans le mur. Il remarqua aussi les livres ouverts dans un coin de l'établi. Il reposa le prototype et prit le premier qui venait. C'était un livre neuf, écrit dans une langue qu'il ne connaissait pas. Plus que la langue, les symboles qui la composait lui était inconnus.
Il prit un autre livre, beaucoup plus ancien et écrit en vieil ikadi. Il ne savait pas le lire parfaitement, ni le traduire sans aide d'un dictionnaire. Il tomba sur un dessin, similaire à celui dans l'autre livre. Il les compara et conclu qu'il s'agissait d'une traduction. Il saisit les parchemins gribouillés déposés çà et là. Encore des tentatives de traductions avortées pour diverses raisons, l'encre qui a bavé, un mot barré ou mal orthographié.
Il regarda les ouvrages anciens sur une étagère et s'empara du premier. Il le feuilleta et reconnu encore une fois la langue employée, un mélange de vieil ikadi et d'hari moderne. Il comprit plus de choses que dans les précédents ouvrages.
L'auteur parlait d'une culture anéantie, et de l'espèce associée. Le nom de ce peuple ne lui disait rien, les alcanos, un peuple entièrement féminin, dont le chef de chaque groupe était une femme devenue homme. L'auteur ne parlait pas de l'extinction de ce peuple, mais ça ne l'étonnerait pas si ça venait de la faible fertilité de ce peuple et de la grande période de gestation décrite.
Il tomba sur un paragraphe dédié aux morts, avec un rituel d'incinération. Il fut tellement captivé par la description du rite qu'il en usa entièrement la bougie. Il se décida à prendre l'ouvrage et à rebrousser chemin. Il se munit du reste ridicule de sa bougie et retourna dans les boyaux du palais.
Il ne peina pas beaucoup à retrouver les escaliers qu'il avait dégringolés et il les remonta. Il arriva enfin dans les appartements royaux après plusieurs longues minutes passées sans lumière, complètement épuisé. Le ciel se teintait d'un rose magnifique.
Fanrei ferma les yeux. Il eut une envie soudaine. Une envie qui allait le mettre dans de beaux draps s'il se faisait prendre. Il sut au plus profond de lui qu'il devait le faire, pour sa mémoire, sinon pourquoi lui serait-il apparu ?
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Le clan des disparus
ФэнтезиLes dieux règnent depuis plus d'un millénaire sur le continent d'Ikade. Tey'ro Prihya, le bras droit de l'un d'eux, rêve depuis toujours d'un monde où ces huit tyrans ne seront plus qu'un mauvais souvenir. L'occasion se présente un soir, où il neut...