20 - Xélion

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Ce qu'il détestait avec sa magie, c'était qu'il ne la contrôlait pas totalement. Pendant des mois, elle pouvait ne pas se manifester, et au contraire, pendant des jours, il n'avait que des visions potentielles du futur.

Mais le rêve de cette nuit avait été plus fort et imposant que les autres, comme si le temps avait pris un chemin qu'il ne pourrait plus défaire. C'était ce qui l'effrayait en plus du contenu étrange de celui-ci.

Xélion était étendu dans son lit, ressassant le souvenir de la licorne, du dragon et du loup géant. Il avait trouvé ses trois bêtes envoûtantes, nobles et féroces.

Le dragon était énorme, sa gueule pouvait sans doute contenir un bœuf en entier. Ses dents luisaient de bave et de sang, ses cornes couvraient son corps et sa queue, le transformant en une arme mouvante géante. Et ses ailes étaient encore plus grandes, sûrement deux fois sa taille pour supporter son poids dans les airs et elles étaient aussi terminées par de puissantes griffes.

C'était une créature imposante et barbare comparé à la licorne. Le pelage d'un gris luisant, comme si sa fine fourrure était de l'argent brut. Sa crinière était d'un vert incroyable aux nuances de bleu à la lumière. Même ses crocs et sa corne reflétaient sa majesté autant que sa puissance mortelle.

Le loup aussi était spécial, barbare dans son apparence, le poil dru et de multiples teintes de brunes, la gueule ouverte révélant ces crocs humides. Mais il avait des yeux bleus d'une couleur incroyable. Son corps luisait, émettant autant de lumière que le ferait le soleil.

Chacune de ses créatures était calme, et non hostile à son égard. C'est ensuite qu'il avait vu la silhouette sombre qu'elles entouraient. Elle se tenait debout, des ailerons se mouvaient magnifiquement dans son dos, mais elle était plongée dans sa propre ombre. Xélion avait plus craint cette silhouette que des trois bêtes meurtrières.

Il avait alors compris que le quatuor le regardait, ils le fixaient, comme s'il s'agissait d'un voleur prit la main dans le sac. Les créatures se parlèrent, enfin, c'est ce qu'il en déduisit, pour lui, elles n'émettaient que des grognements indistincts.

C'est alors que la silhouette s'approcha de lui. Elle n'avait pas vraiment d'apparence, comme si elle était brouillée. Elle lui prit le menton, le souleva légèrement, comme pour observer ses traits, puis elle vint lova son nez dans le cou du roux. Il sentit le souffle chaud assez désagréable, elle le flairait.

– Tu es bien loin de chez toi mon petit...

Il déglutit, mal à l'aise de cette proximité et de la voix étrange de la silhouette.

– Va, reprends ta maison, et annonce mon retour...

Xélion s'était réveillé en sueur de son lit miteux pour aller coucher sur le papier sa vision. Le soleil caressait, avec sa douce chaleur, le dos nu du proxénète. Il prit une plume, du papier et son encre noire.

Écrire ses rêves était une délivrance pour lui. C'était comme si les prémonitions s'effaçaient de son esprit pour prendre pleinement leur grandeur sur le papier. Le frottement entre la plume et le papier le rassuraient aussi. Ce bruit mélodieux le faisait revenir dans l'ici et le maintenant, surtout pour lui qui avait une conception différente du temps.

La porte s'ouvrit à la voler.

–Tu as des ciseaux !

Il sursauta et jura. Il était prêt à insulter l'intrus quand il l'a reconnue.

– S'il te plaît, toque la prochaine fois Astrauliope. Et ton accent est toujours aussi horrible.

Elle sourit et entra.

– Tu as ? Des ciseaux.

Il soupira et voulut se lever pour les lui donner. Il se ravisa en se rendant compte qu'il ne portait pas de vêtements sur lui. Il croisa les jambes, tentant de cacher subtilement sa nudité.

– Cherche là-dedans, désigna-t-il. Ils devraient se trouver dans ce tiroir.

Elle alla à l'endroit indiqué et tripatouilla à la recherche des lames.

– Tu m'étonnes de jour en jour proxénète.

Elle le regarda avec un sourire magnifique qu'il lui rendit.

– Et pourquoi donc ?

– Je ne pensais pas que tu serais à ce point pudique.

Il ricana.

– C'est pour préserver ton innocence.

Elle tira la langue.

– Donc même si je tue des gens, je suis innocente.

Il se rendit compte du sens illogique de ses paroles et rit. Astrauliope prit le pantalon traînait au sol et le lança sur lui.

– Allez viens, le manger est presque près.

Il récupéra son vieux vêtement et l'enfila. Il se leva et finit de se vêtir. Il sortit de sa chambre et profita un moment du temps. Le vent s'était levé et il y avait de plus en plus de nuages, la saison des pluies arrivait.

Il vit alors pourquoi Astrauliope voulait tant des ciseaux. Elle était dans la cour en compagnie des plus jeunes prostituées, à peine plus âgées qu'elle, et elles étaient en train de coudre. Il finit par les rejoindre et observa leur travail.

Elles faisaient une veste pour le moins étrange. La partie principale était finie, composée de quatre tissus distincts, un vert, un bleu un violet et un jaune, et ils étaient cousus entre eux par des chutes de tissu rouge. Le devant du vêtement se terminait environ à mi-cuisse tandis que le derrière arrivait à mi-mollet. Le vêtement était aussi pourvu d'une capuche et les prostituées finissaient de coudre les futurs manches.

– Tu en penses quoi.

Astrauliope tourna sur elle–même, montrant son œuvre.

– Les couleurs te vont à merveille.

Elle sourit une nouvelle fois, visiblement ravie de la flatterie. Elle était tellement candide dans ses moments, rien ne pouvait montrer sa folie meurtrière. Il vit Panja traverser la cour. À la tête qu'elle faisait, elle voulait parler. La maquerelle le saisit par le col et l'entraîna à sa suite. Elle voulait donc lui parler seul à seul.

– Que se passe-t-il ?

Il croisa les yeux colériques de Panja.

– Tu as couché avec elle ?

– Pardon ?

– As-tu couché avec la folle ?

Il leva les yeux au ciel.

– Elle a un nom et depuis quand ma vie sexuelle t'intéresse ?

Ils se regardèrent. Xélion demanda :

– Pourquoi ?

– Elle n'a pas encore saigné...

Il s'exclama doucement.

– Elle a peut-être du retard ?

Il regarda Astrauliope batifolé.

– Elle vomit, ce n'est pas ce que j'appelle un retard.

– Tu me soupçonnes d'être le père ?

– Oui.

– Eh bien non Panja.

Mais la vérité ne sembla pas faire changer d'avis la maquerelle. Il observa une nouvelle fois Astrauliope. Se doutait-elle qu'elle abritait en son sein un petit bâtard. Il espérait au fond de lui que Panja se trompait, mais elle si connaissait mieux que lui assurément.

Le clan des disparusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant