4️⃣ ▪︎ Mer. 8 Septembre

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12h14

On a fini les cours depuis un quart d'heure et je n'ai, comme hier, pas très faim.
Le self est quasiment rempli et je joue avec ma fourchette. J'étais presque étonné de ne pas m'être encore piqué avec, d'ailleurs. À mes côtés, Ezio mange ses pâtes, avant de me lancer :
- On t'a pas beaucoup entendu ce matin...
- Ouais, je réfléchissais.
- Tu manges pas ?
- J'ai pas faim.
- D'acc...
Alors que mon regard dévie vers Nolan, il me montre son téléphone et sourit en coin. Qu'est-ce qu'il essaie de me faire comprendre encore ?
Mon téléphone vibre dans ma poche, et en le sortant, j'ai un message de sa part : "Emilio vient de me confirmer qu'il venait cet aprem pour nous aider pour la soirée de samedi !".
Emilio, c'est le grand frère d'Ezio. Il est DJ et, depuis quelques années, c'est un peu le DJ attitré des grosses soirées de l'établissement. On ne le voit pas souvent, ça fait toujours plaisir à son frère qu'il vienne.
Je réponds "ah cool c'est sympa de sa part" et Nolan me répond dans la minute qui suit "il a environ deux heures de train et après dix minutes de covoit'. Du coup on peut l'attendre pour 14h30 au plus tôt".
Je range mon téléphone et hoche la tête en regardant Nolan pour lui signifier que j'ai lu le message. Un peu la flemme de répondre, toute façon.

12h38

On sort enfin du self. Au vu du grand soleil de ce début du mois de Septembre, on décide d'aller s'installer sur un des bancs dans la cour principale. Un des bancs autour de la fontaine. Le soleil tape sérieusement, on sent bien que l'été n'est pas terminé, et ce n'est ma peau de blond qui me contredira. Alors que je regrettais d'avoir le costard qui me faisait crever de chaud, j'écoutais les discussions commencer entre mes collègues.
Rien de nécessairement intéressant ou important, alors je replonge dans mes pensées.
Ce matin encore, je n'ai pas arrêté de penser à Olga. Et je n'ai pas non plus arrêté une seule seconde de maudire Tommy, tout comme ma malchance.
Entre la chaleur et ces histoires qui m'épuisaient mentalement, j'en étais presque au bord du malaise. Mais Ezio m'a sorti des vapes en posant sa main sur mon épaule :
- Tu te sens comment ?
- Bof, répondis-je pris au dépourvu.
- Comment ça ?
- Je me sens vide. J'ai pensé à Olga toute la matinée et j'suis fatigué. Ça me fatigue mentalement, en fait.
- Ouais, je vois ce que tu veux dire. C'est un peu comme un deuil c'que tu dois faire. C'est pas facile.
Un long soupir sort de ma bouche. Un deuil d'une relation qui n'aurait jamais pu exister, un deuil d'une fille qui n'en a jamais eu quelque chose à foutre de moi ?
- Mais tu vas t'en remettre, reprend l'Italien. Parler ça reste le meilleur moyen de t'en sortir, tu sais. Heureusement que t'as Kally pour lire tes pensées. Elle sait t'écouter quand tu parles pas, c'est quand même beau non ?
Je ne réponds pas une deuxième fois, le voyant lever la tête. Et j'aurais peut-être dû faire de même pour regarder, puisque je me suis fait surprendre quand il a lancé :
- Ah, Tommy, re.
- Re, ça va toujours ?
Entendre sa voix. Rien que ça me rendait fou. Pourquoi il vient encore me foutre le seum comme ça ? Avec son air sûr de lui à la con, là.
- Nickel, merci. Et toi ?
- Ouais tranquille. Florian ?
Je relève la tête vers lui, en serrant les dents pour empêcher mes pensées d'arriver jusqu'à mes cordes vocales. Son regard insolent se plante dans le mien pour m'intimider et il me lance, en croisant les bras :
- Viens avec moi.
- Non, ça ira.
Cette fois-ci, c'est Max qui intervient :
- Florian, vas-y, on te demande pas de lui pardonner mais juste d'écouter ce qu'il a à te dire.
Forcé d'écouter la voix de la raison me servant de meilleur ami, je me lève à contrecœur. J'arrivais pas à croire que je suivais celui que j'aurais aimé ne jamais connaître.
L'insolent Monsieur Parfait se pose contre le mur du bâtiment G :
- Bon. Ça va ?
Je reste muet et il enchaîne :
- Je comprends que tu me détestes, comme j't'ai dit hier soir. Mais je veux juste mettre les choses au clair.
- J'sais pas si j'ai vraiment envie de t'écouter.
Il marque un temps d'arrêt, l'air étonné. Je ne lui ai jamais répondu, encore moins aussi sèchement puisque personne n'ose froisser môssieur. Mais en voyant que je ne me démonte toujours pas, il reprend son air confiant :
- D'acc, alors je serai pas long, mais sache que ça m'emmerde de te faire vivre ça. J'aime Olga et elle m'aime. Tu sais, j'y peux rien. Je voulais au moins que tu saches que je suis désolé. J'espère que ça ira mieux pour toi. Moi j't'aime bien ! Et je veux pas que notre amitié soit entachée par ce genre d'histoires. J'ai pas envie de me faire un ennemi, tu comprends ?
- On a jamais été potes.
Il souffle puis passe sa main dans ses cheveux, avant de tenter une autre approche :
- Je sais que t'es énervé, mais... écoute moi au moins. J'essaie d'apaiser tout ça pour pas qu'il y ait ce genre de climat de merde dans la classe durant mille...
- Bon, ta gueule !
Je me retiens de lui foutre un coup en sentant toute la haine qui monte en moi. Il se fout de ma gueule. Se la jouer super-héros en disant "je veux préserver l'ambiance de la classe", en sous-entendant qu'il est innocent et que je suis le seul fautif, ça me gonfle. Ses paroles tournent dans ma tête, Olga l'aime et il m'en nargue ce bâtard. Mes poings se serrent. Mon cœur bat anormalement vite et je ne peux même plus supporter d'avoir l'autre con dans mon champ de vision. Si je reste, j'ai cette envie de le prendre par le col, de le frapper, même si je sais que j'en ai pas la force. Et que j'aurai des problèmes par la suite, notamment s'il se défend.
En voyant qu'il attend encore mes excuses ou mes explications, je m'en vais sans demander mon reste. Une seconde de plus et j'explosais - et j'espère bien qu'il ne m'a pas suivi.

L'EFASP - Première partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant