2. On évite de penser

40 11 7
                                    

Gabrielle

— Eeeeh merde ! juré-je quand je fais tomber une pile de livres par terre.

Je grimace face à ma maladresse et descends du petit trois marches sur lequel j'étais perchée. Bien sûr, le plus important c'est que je n'ai rien, mais bon sang, je ne pouvais pas faire attention ? Les livres sont tous au sol et très probablement abîmés !

— Est-ce que tu vas bien ? me demande Elena en criant depuis l'autre bout de la librairie, dans le secteur jeunesse.
— Moi oui, les livres un peu moins !

Une chance que la boutique n'est pas encore ouverte et qu'il n'y a donc aucun client.
Je peste contre moi-même et récupère les cinq exemplaires de La fille de papier de Guillaume Musso. Un roman que j'ai lu et qui a été un coup de cœur. C'est d'ailleurs l'un de mes préférés de l'auteur. J'ai mal au cœur de voir que trois exemplaires sur cinq on la quatrième de couverture un peu corné, mais j'ai eu de la chance, ils auraient pu mal finir.

— Salut les f... Ouh là, il s'est passé quoi ? interroge Martin en entrant dans la boutique.
— Miss catastrophe, tu connais, dit Elena en venant vers nous.
— Sérieux, je suis dégoûté, avoué-je. Je ne sais même pas comment j'ai pu faire pour les faire tomber. Oh, mon héros, tu me sauves la vie ! m'exclamé-je en me précipitant vers Martin quand je me rends compte qu'il a trois gobelets de café dans les mains.

Elena en prend un à son tour puis nous nous accoudons au comptoir des caisses pour prendre le temps de siroter notre breuvage, comme tous les matins. C'est notre rituel à tous les trois.

— Tu aurais pu prendre les croissants, lui fait remarquer ma meilleure amie.

Martin lève exagérément les yeux au ciel.

— Non, mais je rêve, se lamente-t-il. Je lui apporte le café et elle trouve quand même le moyen de se plaindre...

Elena et moi pouffons.

— En plus, depuis quand tu réclames des croissants ? Je pensais que ton anorexie te rendait encore la vie dure parfois.
— Ça va mieux depuis notre road-trip, avoue-t-elle, j'ai fait un gros travail sur moi-même.
— Ouais, dis plutôt que Jamie en est pour beaucoup, rétorque notre employé.

Dès l'instant, un blanc s'installe et Elena s'évade dans ses pensées.

— Merde, on n'a plus le droit de prononcer son nom ? demande Martin, l'une des rares personnes à qui on s'est confié sur ce voyage et les deux irlandais qui nous ont accompagnés.
— Si, le rassuré-je, mais elle n'a toujours pas de nouvelles de lui, elle s'inquiète beaucoup. Elena, ça va ?

Cette dernière hoche la tête sans pour autant détourner son regard d'un point invisible dans le dos du grand brun.
Au bout d'une longue minute, elle finit par sortir son téléphone de la poche et fixer l'écran, mais vu son air désespéré qu'elle arbore, je devine tout de suite que Jamie n'a toujours pas donné signe de vie. Et je comprends totalement ce qu'elle ressent car en réalité, quand je lui ai dit que j'avais des nouvelles de Kenan, je lui ai menti. Comme elle, je n'en ai pas depuis qu'ils sont répartis en Irlande et ce silence commence vraiment à me rendre barge. Je ne lui ai pas dit la vérité pour ne pas qu'elle se ronge les sangs encore plus, mais la réalité est telle que je commence moi aussi à m'imaginer n'importe quoi. J'ai même pris le culot d'envoyer un message à sa sœur, Deirdre, sur Messenger pour lui demander si elle avait des nouvelles, mais elle m'a avoué qu'elle ne l'a pas revu depuis qu'ils sont rentrés. Ce qui, vous vous en doutez, n'a pas du tout apaisé mon angoisse. Mais bon, pas de nouvelles, bonne nouvelles, comme on dit. Et j'espère sincèrement que ce dicton dit vrai parce que je deviendrai folle si j'apprends qu'il leur est arrivé quelque chose, que ce soit à Kenan ou Jamie.
Martin pose une main sur l'épaule de Elena, ce qui la fait réagir et enfin poser ses yeux sur lui.

Across the USA - Between Toulouse and Dublin tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant