6. En attendant

40 10 6
                                    

Kenan

Cela fait bien une bonne quinzaine de minutes que Gabi et moi attendons Elena dans ma caisse. J'espère qu'elle va parvenir à le faire manger un peu et qu'il n'est pas trop distant avec elle, mais si elle est encore, c'est peut-être que c'est bon signe. S'il l'avait mis à la porte, elle serait déjà de retour.

— Comment ça va au resto ? m'interroge Gabi.
— Je n'y vais pas souvent depuis qu'on est revenu, je préfère être là pour Jamie. De toute façon, je fais confiance à mon second. Mais sinon ça va, il m'envoie un débrief tous les jours. Le plus souvent, je vais y bosser le soir.
— Ça ne te manque pas trop ? Tel que je te connais, avant le voyage, tu devais y passer ta vie.

Je soupire en passant une main dans mes cheveux.

— Si, ça me manque de ne plus être derrière les fourneaux aussi souvent, la brigade me manque aussi, mais quand j'y vais, je ne suis pas dedans à cent pour cent, je ne fais que penser à Jamie, donc je suis plus utile près de lui. De toute façon, je ne me le pardonnerais jamais si j'allais bosser et qu'il lui arrivait quelque chose.
— J'aimerais bien y aller un jour.

Je me retourne vers elle et lui prend les mains avant de les embrasser.

— Et on ira, je te le promets.

Elle me sourit, ce sourire m'a manqué. Je ne résiste pas et le serre contre moi en embrassant délicatement le haut de son crâne. Être près d'elle me fait un bien fou, ça me détend et ça me fait réaliser que, maintenant qu'on s'est retrouvé, je ne peux plus et ne veux plus me passer d'elle. Si je dois quitter l'Irlande pour venir vivre en France avec elle parce qu'elle ne veut pas quitter sa ville, je le ferai, même si ne plus vivre dans ce pays qui m'est cher m'est inconcevable. Mais pour elle, j'en serai capable car cette relation à distance, je ne vais la supporter longtemps.
Toujours blotti contre moi, nos mains jointes, nous nous installons dans un silence agréable. Pendant quelques secondes, je regarde en direction de l'immeuble de Jamie pour apercevoir Elena, mais elle n'est pas là, elle doit toujours être en haut. J'espère que c'est bon signe. De toute manière, j'ai confiance en elle, elle a fait des miracles quand on était aux Etats-Unis, je ne doute pas une seconde qu'elle va recommencer.

— Kenan est-ce que... on peut continuer la conversation qu'on a eu dans l'ascenseur ?

Je me crispe. Sa demande m'étonne, je suis surpris qu'elle veuille reparle de ça parce que, pour moi, la discussion était close.

— Pourquoi tu veux qu'on continue ?
— Parce que c'est important, Kenan.

Je soupire.

— OK, on peut parler de Deirdre si tu veux, mais de l'autre connard, il n'en est pas question.
— Il va le falloir pourtant. Loin de moins l'envie de te faire chier avec ça, mais que tu le veuilles ou non, il est ton père, tu portes ses gênes, tu ne peux pas continuer de l'ignorer comme ça. Ça fait sept ans, il faut que tu lui pardonnes ou du moins, que tu essaies d'avoir des rapports cordiaux avec lui.
— Putain, Gabi, ce connard m'a abandonné parce qu'il n'était pas capable de s'occuper de moi, merde ! m'énervé-je.
— Je sais, Kenan, et je sais que ça t'a beaucoup blessé, mais tu as 27 ans et votre dernière conversation date d'il y a sept ans, il faudrait que tu réessaies de reprendre contact avec lui. Je ne te dis pas de lui pardonner et d'avoir des fous rires avec lui, juste de garder contact avec lui parce que tu le veuilles ou non, il s'agit de ton père, même s'il ne t'a pas élevé, c'est lui qui t'a mis au monde et qui t'a donné ton prénom, tu ne peux pas le rayer comme ça de ta vie. Tôt ou tard, tu finiras pas t'en vouloir.
— Ce n'est pas mon père, celui qui porte ce nom, c'est celui qui m'a élevé. De toute façon, même si je voulais, je ne sais pas si j'aurais le courage d'aller le revoir.
— Et si je viens avec toi ?

Across the USA - Between Toulouse and Dublin tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant