15. La peur au ventre

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Jamie

Je peine à émerger. Je suis réveillé depuis une vingtaine de minutes, mais je n'arrive pas à sortir du lit. Faut dire qu'hier, je me suis pris une sacrée cuite. Que je regrette beaucoup. Je suis conscient que j'ai fait une connerie. Je n'aurais jamais dû me tirer en douce pendant que les filles étaient occupées, surtout après avoir promis à Elena que je resterai là... Sauf que je n'avais pas prévu que l'autre fils de pute réapparaisse. Sans ça, je jure que je serai rester au salon, mais dans le cas qui était le mien, je ne me voyais pas faire autrement que boire pour oublier et contrer les démons avant qu'ils ne me torturent et comme Kenan n'a plus une goutte d'alcool chez lui, le bar restait ma meilleure option. L'avantage, c'est que ça m'a permis de ne pas faire de cauchemar et de passer une nuit sereine. Je ne regrette pas d'avoir cédé à la tentation car je ne voyais que cette solution pour ne pas repartir dans les ténèbres, mais je regrette de n'avoir pas su m'arrêter. Si je regrette d'avoir cédé, c'est uniquement par rapport à Elena. Elle m'avait juré que si elle me voyait boire encore une fois, elle ne se nourrirait plus à sa faim et même si elle était très sérieuse dans ses paroles, j'espère qu'elle ne les tiendra pas, je ne supporterai pas de la voir se faire du mal pour me punir.
Je passe mes mains sur mon visage encore ensommeillé puis dans mes cheveux désordonnés par la nuit. Mon regard s'arrête sur mon pansement qui cache ma cicatrice. Je pense qu'Elena va pouvoir me le refaire, il est dans un sale état. Hier soir, j'ai eu un peu mal à la cicatrice, elle m'a lancé, mais j'ignore si c'était une douleur réelle ou si je l'ai seulement inventée. Dans tous les cas, je ne sens plus rien ce matin. Je dis ce matin, mais en fait il est quelle heure ? J'attrape mon portable sur la table de nuit : 11h30. Il serait peut-être temps que je me lève, ils doivent être inquiets. Quoique, est-ce qu'ils sont présents ? Je n'entends pas un bruit au rez-de-chaussée, mais connaissant Kenan et Elena, je ne les vois pas partir avant de me voir en chair et en os. C'est pourquoi j'attrape mon tee-shirt en bas du lit avant de l'enfiler et, au même instant, des frappements à la porte retentissent.

— Ouais, réponds-je.

La porte s'ouvre et Kenan se matérialise dans l'embrasure. Je n'aime pas cette lueur inquiète que je perçois dans ses yeux.
Il s'approche lentement, s'il craignait ma réaction, puis vient s'asseoir au pied du lit en posant une main sur mon épaule.

— Ça va mon pote ? me demande-t-il.
— Je suis dans le coaltar, mais ça va, réponds-je. Et toi, comment ça s'est passé hier au resto ?
— Je n'ai aucune envie de parler de mon taf, Jamie. Je veux qu'on parle de toi.
— Comme ça, dès le réveil ?
— Oui. Écoute, hier tu n'as pas voulu en discuter et vu ma fatigue et l'heure tardive, j'ai accepté, mais aujourd'hui je veux des explications. J'ose croire que tu n'es pas allé dans ce bar simplement par envie.

En réalité, je n'ai aucune envie de lui dire pourquoi j'y suis allé. S'il est au courant, il va péter un plomb et il ne me lâchera plus la grappe, encore pire que maintenant. Or, même si je le remercie lui, ainsi que les filles, pour leur aide et leur dévotion à mon égard, j'ai besoin d'un minimum de liberté si je ne veux pas étouffer et devenir exécrable.

— Jamie, parle-moi.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Kenan ? Oui, je suis allé boire et je suis désolé que le barman t'es appelé pour venir me récupérer, tout comme je suis désolé de m'être tiré en douce, mais...
— C'était la dernière fois que je venais te chercher dans ce genre d'endroits en plein milieu de la nuit, Jamie, me coupe-t-il d'une voix sèche. Merde, tu avais promis que tu arrêterais.

Un rire jaune sort de ma gorge.

— Tu l'as dit toi-même : je suis un putain d'alcoolique.
— Oui, c'est vrai, je l'ai dit, mais c'était pour que tu réagisses, Jamie ! Tu ne pouvais pas continuer à boire comme tu le faisais au retour de notre voyage. Tu semblais bien supporter le manque depuis quelques jours alors qu'est-ce qui t'a fait craquer ? Pourquoi, hier soir, tu t'es de nouveau jeté sur la boisson ? Et n'essaie pas de me dire que c'était pas simple envie parce que je ne te croirai pas. Tout ce que je veux, c'est la foutue vérité et tu vas me la dire. Quitte à ce qu'on reste trois heures enfermés dans cette chambre.

Across the USA - Between Toulouse and Dublin tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant