Across the USA - Between Toulouse and Dublin tome 3

7. Vision d'horreur

Elena

J'ai le cœur en morceaux. Je m'étais préparé alors je m'étais blindé pour ne pas craquer devant lui en le voyant, mais maintenant que je suis seule dans cet ascenseur qui me ramène dans le hall de l'immeuble, je m'autorise à craquer. C'était trop dur de le voir comme ça, presque... insurmontable. Mais j'ai tenu bon malgré les quelques larmes versées, je ne voulais pas que ça lui donne une raison pour me rejeter. Je l'ai déjà connu mal en point à cause de ses démons et même si Kenan m'avait prévenu, je ne m'attendais pas à ce qu'il soit à ce point atteint. Le pire, c'est de ne pas savoir pourquoi il est comme ça. Je comprends le souhait de Kenan de ne rien vouloir et de laisser à Jamie la possibilité de le faire, mais combien de temps est-ce que ça va prendre ? Aux Etats-Unis, il m'a fallu des semaines pour qu'il me fasse enfin confiance et qu'il me raconte son histoire, aujourd'hui, je n'aurai pas la patience d'attendre des semaines avant de connaître la chose qui l'a rendu ainsi. Même s'il me fait confiance, je connais Jamie suffisamment pour affirmer qu'il va se renfermer dans ses ténèbres, laissant les démons le torturer, sans rien me dire pour ne pas que ça m'affecte. Mais il est hors de question qu'il me laisse en dehors ça, je veux être là pour lui, je veux l'aider. Je veux qu'il guérisse et qu'il remonte à la surface car si son état n'évolue pas et que son frère décide de le placer en hôpital psychiatrique je crains que Gabi ne doive me récupérer à la petite cuillère. Je refuse de revivre ça, la première fois avec Julien m'a suffit. Un HP, ça n'aide pas les gens, au contraire, ça les met encore plus mal. La preuve avec Julien. Même s'il était hanté par ses démons avant d'y être interné, aujourd'hui, c'est pire. La plupart du temps, il est enfermé dans une salle avec une camisole pour ne pas qu'il tente de mettre fin à ses jours. Je refuse d'en arriver-là avec Jamie. Julien est... c'est devenu quelqu'un de méconnaissable et même si ça me fait du mal d'aller lui rendre visite, j'y vais au moins une fois par mois car je sais que ma visite lui fait du bien autant qu'à moi. On est peut-être plus ensemble, lui et moi, mais à jamais, je garderai un lien avec lui, je tiendrai toujours à lui.

— Rez-de-chaussée, annonce la voix métallique de l'ascenseur.

Je sors de la cabine et m'apprête à sortir quand, soudain, je suis éprise d'un mauvais pressentiment. Mon cœur se met à battre comme un fou dans ma cage thoracique, ma poitrine me fait mal et j'ai des difficultés à respirer, comme si j'étais en train de faire une crise cardiaque. Je m'arrête net et regarde mes mains. Elles tremblent comme des feuilles, elles deviennent presque incontrôlables. Incapable de faire deux pas de plus, je m'adosse aux boites aux lettres et ferme les yeux, une main sur la poitrine, pour tenter de me calmer.
Allez, Elena, détends-toi, c'est ton inquiétude qui parle. Tout va bien.
Si tout va bien, pourquoi mon mauvais pressentiment ne me quitte pas ? Non, non, il y a quelque chose qui cloche, je suis prête à le parier. Je ne sais pas exactement quoi, mais... Jamie.
J'ouvre grand les yeux, referme ma prise sur mon téléphone pour ne pas qu'il se fracasse au sol et, le souffle court et presque coupé, je me précipite de nouveau vers l'ascenseur. A la dernière seconde, je décide d'emprunter l'escalier. Il habite au troisième étage, mais ce sera plus rapide en courant. J'espère juste ne croiser une personne pour ne pas ralentir mon rythme. Je glisse mon portable dans ma poche et commence à gravir les marches à pleine foulée. Mon cœur n'a jamais battu aussi vite à cause du stress et des pulsations qui augmentent forcément à cause de l'effort physique que je suis en train de fournir. Trois étages, c'est long, je n'en suis qu'au premier et je n'en peux déjà plus, mais je garde mon objectif en tête pour ne pas faiblir. Mon mauvais pressentiment est en rapport avec mon petit ami, j'en suis persuadé. Quoi d'autres,  sinon ?
Je ne m'arrête de courir que lorsque je suis devant la porte de son appartement. A bout de souffle, je pose ma main sur la poignée, mais elle ne s'ouvre pas. Merde, il a refermé derrière moi en s'enfermant à clé !
Je n'aime pas ça, je n'aime pas ça... Je ne suis pas très croyante, mais je vous en supplie, Seigneur, faites qu'il ne lui soit rien arrivé, je ne le supporterai pas.
Je donne deux gros coups contre la porte, telle une forcenée.