Across the USA - Between Toulouse and Dublin tome 3

5. Foutus démons

Jamie

Enfermé dans ma chambre, j'entends la porte d'entrée claquée. Elena est partie. Voir son inquiétude dans mon regard m'a fait de la peine, j'aurais voulu la serrer contre moi pour la réconforter, lui avouer qu'elle m'a manqué et que je suis désolé de ne pas lui avoir donné de nouvelles depuis une semaine, mais je n'ai rien dit et rien fait, si ce n'est l'envoyer bouler. Rien dit parce que je ne voulais pas donner de l'espoir, je ne voulais qu'elle prenne mes paroles comme acquise et qu'elle reste dans cet appart alors que je n'avais, déjà, aucune envie qu'elle y reste. Et rien fait parce que avoir le moindre contact physique avec une personne, en ce moment, pour moi, c'est plus qu'impossible. Me toucher les mains comme elle l'a fait, ça va, mais une étreinte, c'est devenue presque une phobie. Et pourtant, l'autre fils de pute ne m'a pas approché. Même si c'est le cas, il n'empêche que j'ai quand même été atteint car si moi je n'ai rien, on ne peut pas en dire autant de Shana, ma belle-sœur. Je n'étais pas là quand ça s'est produit, c'est d'ailleurs pour ça qu'Aeden m'a appelé quand on était à New York, mais depuis qu'il m'a mis au courant, les images tournent en boucle dans ma tête, comme si je l'avais vécu. Mes foutus démons sont de retour. M'envoyant sans cesse des images de mon passé, mais désormais, en plus de ceux-ci, j'ai celles de Shana se faisant agresser par Keziah aka la pire raclure que cette terre ait connu. Du coup, comme je l'ai déjà fait souvent, je bois sans arrêt, pour que les images disparaissent. Je repousse tout le monde, Kenan qui vient pourtant presque tous les jours ici, Aeden que je refuse de voir car le sentiment de culpabilité ne me quitte pas et maintenant Elena, qui a pourtant fait le voyage depuis la France et qui a dû voir son mec être une véritable épave tout ça parce que je n'arrive à rien gérer du tout quand il s'agit de ce connard que ma salope de mère a fait sortir de prison en nous faisant passer, Aeden et moi, pour des putains de menteurs.
A cause de lui, j'ai failli avoir des emmerdes avec la police parce que la deuxième raison de l'appel de mon frangin, celui qui m'a fait revenir ici, c'était que Keziah a tenté de foutre le feu à mon appart en espérant que l'incendie prenne tout l'immeuble afin que je sois accusé. Les flics sont venus m'interroger, j'étais complètement ivre et heureusement, Kenan était là et a pu leur prouver qu'au moment des faits, on était à plus de dix mille kilomètres d'ici. Il a accusé Keziah, mais sans preuves concrètes, ils ne peuvent rien faire.
Je sors de ma chambre et remarque la fenêtre ouverte ainsi que le bordel rangé. Pas de doute, Elena a fait du ménage avant de s'en aller. Je referme la fenêtre et ouvre trois placards avant d'enfin trouver une bouteille de whisky. La dernière. Bordel ! Il va falloir que j'aille faire des réserves, mais dans mon état ? Ce n'est même pas la peine. Déjà parce que je peux difficilement mettre un pied devant l'autre, mais en plus de ça, si je sors de cet appart, je suis sûr à quatre-vingt-dix pour cent de tomber dans l'escalier tellement je suis torché. Sans compter que depuis que je suis revenue en Irlande, être entouré de plus de dix personnes m'angoisse beaucoup.
La bouteille en main, je m'installe sur mon canapé, ou plutôt, je m'affale, et remarque un mot manuscrit près de l'assiette de Sheperd's pie.

« Je t'en supplie, chéri, mange un peu. Fais-le pour moi.  Tu en as besoin. »

Je regarde de nouveau l'assiette et même si j'en ai aucune envie, je décide de manger un peu, au moins quelques bouchées. C'est presque froid, mais ça fera l'affaire, je n'ai pas la foi de me lever pour la réchauffer. C'est bon, ce qui ne me surprend pas puisque c'est Kenan qui l'a préparé, mais à vrai dire, je ne sens presque pas le goût, si ce n'est celui de l'alcool.
Dans ma poche, mon téléphone sonne. Je le sors et vois le prénom de mon frère s'afficher. Tout d'abord, je suis tenté de filtrer l'appel, mais mon doigt appuie sur le téléphone vert avant que je m'en rende compte.

— Ouais ?
— Putain, enfin tu me réponds, dit-il, soulagé. C'est quoi cette voix, Jamie ? Est-ce que tu as bu, encore une fois ?

Je ne réponds pas.