Sang du Dragon

XVIII. Mériss

    Ses pieds trempaient dans l'eau froide et salée du bras de mer qui borde la plage de Meereen. Derrière elle, les derniers vestiges de sa servitude envers les nobles de la ville traînaient dans le sable, collier ouvert et brisé par la puissance d'un autre souverain. Pour la première fois de sa vie depuis qu'elle avait quitté Jalha, Mériss aspirait le vent de la liberté. Elle étendit les bras, écartant ses doigts, baignée par le soleil brûlant de la fin d'après-midi. Sa chevelure aux reflets caramel, longue et bouclée, volait dans le vent. Mériss sourit, elle sourit réellement et de son plein gré pour la première fois depuis des années, délivrée du joug de l'oppression. 

      C'est à cet instant qu'elle a senti un souffle chaud dans son dos. Une ombre immense s'étendait sur le sable, présence puissante et ancienne. Un regard aussi ... Elle sentait un regard archaïque sur sa personne, comme si l'on pouvait percer à jour son être tout entier. Alors, très doucement, Mériss s'était retournée. La silhouette noire et gigantesque du dragon se découpait dans la lueur lointaine du soleil. Ses ailes se repliaient sur le sable. 

      Le souffle de la jeune femme en fut coupé. 

      Elle avait entendu parler des dragons de la reine Daenerys, de leur existence hors du temps et il était là, bien réel. Il n'était plus seulement légendaire, il était un être sensible et matériel. Il avait dépassé le mythe pour se fondre dans le réel. Immobile, laissant la brise marine se déverser contre son corps menu, elle gardait son attention fixée sur l'improbable. Détendant ses muscles et s'ébrouant, le dragon gardait son regard de braise rivé sur la jeune femme, à quelques mètres de lui. Ses griffes décrivaient des sillons dans le sable et ses épines se mouvaient au rythme de sa respiration. En un seul geste il aurait pu mettre un terme à la vie de Mériss et l'engloutir dans sa gueule sans effort. Elle sentit un frisson la parcourir quand il fit le premier pas dans sa direction. Tranquille et calme, comme un prédateur qui ne craint personne dans son écosystème. Fermant les yeux, elle sentit bientôt son souffle chaud contre son visage. C'était à la fois extraordinaire et effrayant. Elle rouvrit alors les yeux et posa la paume de sa main sur le bout du museau du dragon, tremblant de tout son corps. Le contact d'abord brûlant s'apaisa et elle croisa le regard d'acier de l'animal.

      Ce fut bouleversant. 

      Mériss sentit d'abord la chair de poule se propager sur sa chair et se répandre à travers son corps. Puis son souffle se coupa. Le dragon garda son museau sur sa main, immobile, comme s'il sentait la connexion qui s'établissait entre eux. Tout à coup, Mériss eu l'impression de ne faire qu'un avec l'animal. Elle entendit un grondement sourd dans la gorge du dragon, presque un ronronnement, alors elle pencha la tête et posa son front contre ses écailles dures. Elle en avait entendu parler d'après les légendes de son peuple sans vraiment y croire. Mais c'était réel. Elle serait désormais liée à ce dragon pour toujours. Il ne lui ferait jamais aucun mal, elle ne lui ferait jamais le moindre mal.  Ils étaient comme liés.