XXX - Sandor Clegane

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   Le soleil perce l'horizon, incendiant la terre de lueurs pourpres, comme le sang. La terre n'est que poussière, la lumière se meurt dans les cendres de l'ancienne capitale. Mais dans le ciel incendié de lumière, la silhouette gigantesque de Drogon traverse les nuages. Son ombre dépose sur la mer sa masse imposante, ses ailes bouleversent presque les vagues. Sauvage, indomptable et libre, il abandonne les terres humaines.

***

   Elle est assise torse nu, elle tourne le dos à la mer et contemple, silencieuse, la dévastation de ce qui fut la capitale de Westeros. Sa peau halée et sa chevelure de miel reflètent les premières lueurs du soleil, contrastant avec la transparence du sable à cette heure. 

   Il se frotte le visage en grimaçant et évacue le sable humide qui s'est aggloméré dans ses cheveux gras. Sa plaie ne doit pas être très belle mais le pansement semble neuf. Alors qu'il enfile son pantalon il observe l'éclipse solaire tatouée à l'encre noire qu'aucune chevelure ne cache dans le bas du dos de la jeune femme avant de se reporter sur l'étalon qui broute sous un vieil arbre à moitié calciné. Et alors, il bouscule Mériss de la main droite.

- Faut pas qu'on reste là, dit-il, les pilleurs et les charognards vont pas tarder à venir se déchirer la gueule sur les restes de Port-Réal. 

   Les pas du cheval plongent dans la boue jusqu'aux jarrets. Les cendres de Port-Réal ne sont que mélasse, sang et poussière. La mort de cette ville est bruyante. Les corbeaux déchirent les entrailles et les chiens se disputent les lambeaux de chairs qui n'ont pas été calcinés. Les habitations ne sont que ruines, les anciennes tours gisent en amas de matière difforme. Les pieds nus et sales de Mériss pendent le long du flanc de l'étalon. Dans ce milieu hostile, dans cette sauvagerie mortelle, elle ne peut qu'observer. Port-Réal dévastée c'était improbable. Quand la plus haute sphère du pouvoir disparaît, la mortalité et la vie humaine paraissent tout à coup pathétiques à en crever. Les puissants de ce monde, l'immortalité imaginaire du pouvoir, tout paraît alors futile. Le monde terrestre n'est plus alors que la scène des esclaves de la vie. La liberté n'a pour toute existence que l'éphémère et l'imaginaire. Et pourtant il faut bien vivre. Et vivre sans espoir a peu d'attrait. Alors on continue à espérer que vivre a un sens. Et on continue à vouloir donner du sens à cette existence. 

   Alors que l'étalon s'enfonce dans l'herbe haute et que le soleil monte de plus en plus haut dans le ciel, le vent soulève les cheveux gras de Sandor Clegane. Il ne regarde pas en arrière comme Mériss, hypnotisée par les ruines auxquelles ils tournent le dos. Les plaines herbeuses s'étendent dans l'horizon, des paysages déserts de vie humaine. 

- Ne regarde pas en arrière, dit-il, y a plus rien à faire pour ces foutreries.

Sans lâcher les rennes, il pose sa main droite sur sa taille, comme pour la maintenir en selle. Ses boucles chatouillent son visage quand elle se retourne pour le regarder. Elle se sent comme apaisée, comme si elle venait de trouver sa place en ce monde. 

- Sandor, dit-elle, je veux rester avec toi. 

Il esquisse un sourire en coin, soupirant en comprenant qu'elle restera toujours un foutu petit oiseau. En croisant son regard océan, il ne peut s'empêcher d'espérer s'être trompé, que vivre a peut-être un sens. Laissant l'étalon tracer le chemin, il pose ses lèvres sur les siennes en fermant les yeux. Il referme sa prise autour de sa taille et lui sourit.

- Je ne te laisserai pas partir de toute façon, murmure-t-il.

Surprise, elle écarquille les yeux. Elle lui demande de répéter mais il lance l'étalon au galop. L'animal dévale les monts, traverse les rivières sans but, sans contraintes, comme s'il redevenait le fier étalon sauvage qui vivait autrefois dans les plaines dothrakis. 

Sang du DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant