Sang du Dragon

XI. Tyrion Lannister

      L'auberge silencieuse s'éloigne derrière eux à mesure qu'ils progressent sur leurs chevaux sous la pluie battante. Des hommes en sang sont étripés dans l'entrée et quelques charognards qui ne craignent pas la pluie se disputent déjà les meilleurs morceaux. Tyrion a prit place derrière Mériss sur son étalon dothraki et essaie de maintenir la conversation pour palier au froid et à l'ennui alors qu'ils cherchent un nouvel endroit où s'abriter. Les compagnons de voyage traversent une forêt, profitant de la proximité des arbres qui empêche les plus grosses gouttes de tomber directement sur eux. Tyrion se rappelle la dernière fois qu'il a vu Mériss, dans la salle du trône à Meereen avant qu'ils n'embarquent tous vers Westeros. Alors elle avait finit par venir à Westeros elle aussi ... Et au vu de son apparence et de l'endroit où elle se trouvait sans sa reine, il devinait facilement ce qui avait dû se passer. Daenerys semblait pourtant tenir à cette jeune femme ... Comme quoi même l'amour était devenu compliqué pour la reine ... Les plus vieilles maisons presque décimées, les souverains élaborant des politiques brutales et fermées à la négociation et à l'échange, il n'y avait plus beaucoup d'espoir pour ce monde. Il regrettait d'autant plus la mort de son vieil ami Varys et pensait souvent à celle de Jaime et de Cersei. Les vieilles rancunes avaient été ensevelies sous les décombres de Port-Réal. Il n'avait plus que regret et nostalgie pour cette famille déchue qui était la sienne. Il n'avait jamais désiré leur mort, il y avait néanmoins contribué.

Mériss se retourne vers lui et lui indique l'entrée d'une grotte.

-Sandor Clegane propose que nous nous abritions là-bas.

Tyrion hoche la tête, ça lui est bien égal de toute façon. Tandis que Sandor Clegane retire son armure dans les couloirs obscurs de la grotte, Tyrion prépare un feu avec les branchages secs trouvés sur les rochers. Perdue dans ses pensées, se rappelant l'expression de ces inconnus dans l'auberge alors qu'ils se faisaient massacrer, Mériss conduit les chevaux à l'abris et retire leurs selles et leurs harnais en essayant de les calmer. Les chevaux dothrakis n'ont pas l'habitude d'essuyer de si fortes pluies. Assit dans un recoin sombre à l'écart du feu, Sandor Clegane essuie le sang qui colle à son épée en marmonnant des injures à l'égard de Tyrion. Mériss s'installe près du feu en lui jetant de brefs coups d' oeils, était-il obligé de tuer ces hommes ?

-Grand dommage que nous n'ayons rien à boire, se lamente Tyrion.

Mériss croise le regard de Sandor Clegane, il ne sourit jamais, il la dévisage en fronçant les sourcils alors elle détourne les yeux pour se reporter sur le sourire de Tyrion qui se réchauffe les mains.

-Je connais des jeux à boire forts intéressants mais nous pourrions tout de même deviser sur l'état de ce monde post-apocalypse, plaisante t-il.

Mériss lui rend son sourire, mais elle n'aurait rien à dire, elle ne connait rien des marcheurs blancs à part ce qu'on a bien voulu lui raconter sur le sujet. Tyrion de frotte le menton, mal à l'aise par ce silence persistant.

-Et si vous me disiez, belle Mériss, ce que vous faites si loin de votre reine ? Demande t-il.

-Je suis partie, c'est tout, répond-elle.

Tyrion regarde brièvement Sandor Clegane qui s'endort en s'adossant à la roche.

-Je vois, dit-il, vous préférez la compagnie du Limier à celle de votre ancienne reine ...

Il sourit avec empathie, elle a l'impression d'être comprise mais elle ignore ce qu'il comprend exactement. Après tout, lui aussi a quitté sa reine. Ils discutent longuement et dissertent sur les modes de vie à Meereen, ce qu'ils y ont connus et ce qui change par rapport à Westeros, puis Tyrion finit par s'endormir en se pelotant non loin du feu. Les chevaux sommeillent debout, leurs robes sèchent peu à peu alors que la pluie continue de tomber dehors. Sandor Clegane frissonne par moment. S'allongeant près du feu, Mériss se rappelle une fois de plus comment ces hommes sont morts dans l'auberge. Ils voulaient s'emparer d'elle - pour une raison qui lui est obscure - mais n'y avait-il pas un autre moyen ? Elle soupire en fermant les yeux, elle a le sentiment profond qu'en ce monde elle ne peut faire confiance à personne. Le sol est froid, elle se demande ce que ça fait de dormir loin du feu.