Sang du Dragon

VII. Sandor Clegane

            Au creux d'une grande colline, découpée dans une région vallonnée, un épais cours d'eau se répand en cascade dans une rivière le long de laquelle serpente une route sablonneuse. Une forêt borde les différents vallons, immense et impénétrable, presque menaçante. L'air est lourd et le soleil disparaît derrière les nuages qui s'amoncellent sous la pluie à venir. Le temps est gris et humide. Les oiseaux se cachent, annonçant l'averse. Dans l'espace herbeux sauvage de la colline, les silhouettes de deux puissants chevaux progressent à pas réguliers. Les sabots se posent en rythme sur le sol, sans un bruit. Le silence règne. À l'avant, Sandor Clegane garde son regard fixe sur l'horizon. Seule derrière lui, Mériss découvre des paysages encore inconnus pour elle. À Meereen il ne neige pas, jamais. La pluie est rare dans le désert et les paysages différents de ceux du continent. Elle ne se sent pas étrangère, elle se sent presque aventurière. Elle observe l'herbe qui s'écrase sous les pas de son cheval, les arbres qui se plient sous la montée du vent, la brume qui monte et attire l'humidité et le froid. L'air souffle dans sa nuque, comme pour lui rappeler qu'elle ne porte plus le dernier symbole qui lui rappelait les siens. Elle flatte l'encolure de son étalon isabelle, entremêlant parfois ses doigts dans sa crinière ébène. Elle chuchote quelques termes dothrakis en sentant sa nervosité quand il renâcle ; des mots pour le détendre dans une langue qui sonne dure. Ces chevaux sont presque sauvages, en tout cas fougueux et déterminés. Elle se souvient, plus jeune, d'avoir assisté au débourrage d'un jeune étalon sauvage. Les chevaux sont tout pour les dothrakis, ils représentent cette force et cette liberté chère à leur peuple. Elle se laisse retomber sur l'encolure de sa monture, posant ses mains dans sa crinière. Elle sent les crins épais lui picorer le visage.

-Affa [onomatopée pour calmer un cheval], haf  [calme] murmure t-elle.

Il semble sensible aux mots car il cesse de tirer sur sa bride.

-Foutu canasson !

Mériss se redresse pour observer le dos imposant de Sandor Clegane. Son cheval lui donne du mal et piaffe, frustré par la contrainte. Mériss est étonnée, elle pensait que ce chevalier était capable de gérer n'importe quelle monture, même celle d'un dothraki. C'est un peu à cause de lui que sa vie a prit un tel tournant mais elle est certaine d'avoir fait le choix le plus juste, les dieux lui soient témoins. Elle ignore ce qu'il serait advenu de Sandor Clegane si elle n'était pas intervenue, peut-être que Drogon aurait finit par le dévorer ... Mais un tout autre appétit vorace l'aurait mis en pièce elle, si lui non plus n'était pas intervenu. Mériss laisse son regard errer sur les collines herbeuses qui s'étendent dans l'horizon. Le viol chez les dothrakis n'est pas reconnu comme un crime majeur comme dans d'autres civilisations, il n'en est que plus brutal et elle aurait sans doute été tuée à la fin. Lajatto n'avait jamais connu que la démesure, sur le champ de bataille comme ailleurs. Et sa reine n'aurait rien fait pour l'aider ... Lui, Sandor Clegane, était venu à son aide et elle l'avait suivi. Parce qu'il n'y avait rien à espérer à Port-Réal, parce qu'il était son seul ancrage dans ce monde étranger. Elle presse sa monture pour se hisser au même niveau que le chevalier.

-Un hrazef chafi, un cheval sauvage, n'oubliera jamais le goût de la liberté, dit-elle.

Sans l'écouter, Sandor Clegane boit une gorgée dans la gourde qu'il a piqué à Port-Réal et tend son index vers un bâtiment qui se dessine à l'horizon. Elle est obligée de plisser les yeux pour distinguer la construction en bois et en briques sales.

-On va s'arrêter là-bas pour la nuit, lance t-il, j'ai aucune putain d'envie que ces guerriers sans queue nous trouvent pendant qu'on dort.

Mériss se concentre, elle connaît ce mot dans la langue commune, elle est certaine d'y parvenir. Elle hésite plusieurs fois avant de prononcer le mot.

-C'est une auberge ? Demande t-elle.

-à mon souvenir en tout cas.