XVII - Une Épreuve Différente - Partie 2

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  Sa peau était bleutée, d'une teinte assez pâle, presque translucide, rehaussée par ses veines qu'on entrevoyait avec précision. Ses longs cheveux, d'un bleu électrique, étaient noués en de grandes tresses agrémentées de fils dorés, et descendaient jusqu'à ses mollets. Ses yeux gris étaient aussi froids que sa demeure, et ses lèvres bleues étaient pincées. Son expression austère aurait fait flancher le plus téméraire des hommes.

Voilà donc la fameuse Guerrière. Elle porte bien son nom...

À sa main figurait une gigantesque hache, au redoutable tranchant. Derrière son dos, il y avait deux lances à la pointe aiguisée et un sabre à la lame rutilante de lumière. Par dessus sa tunique, trois épées de tailles différentes étaient accrochées sur une ceinture de cuir, et toute une série de dagues, couteaux et canifs, étaient soigneusement rangés dans diverses poches accrochées à ses bras, jambes, et mollets. Les yeux de Lunera lorgnèrent ce solide équipement, avant qu'elle ne se souvint brusquement des mots détestables qu'elle lui avait lancée. Ses joues rosirent et la jeune fille se redressa de toute sa hauteur, en foudroyant la Guerrière du regard, nullement intimidée.

— Pour votre information, madame, mon sang n'est en aucun cas bourbeux ! déclara-t-elle, offusquée en prenant un ton pompeux qu'elle n'utilisait guère habituellement. Ma descendance est tout ce qu'il y a de plus noble et mon père était l'illustre roi de la grande puissance des Arkos, dont j'en suis la princesse, mentit-elle pour paraître impressionnate ! Une descendance royale que, à mon avis, vous enviez de toute la puissance de votre âme. Venez donc que je tranche vos veines, nous verrons peut-être la boue informe qui y stagne.

Les lèvres de la Guerrière tressautèrent, comme si les propos de Lunera étaient d'une exquise drôlerie.

— Des... Arkos, dites-vous ? Ma foi... c'est désopilant, murmura-t-elle d'une voix à peine perceptible. Votre maintien et la lueur incertaine de vos yeux me témoignent de la véracité douteuse de vos propos. Eux-mêmes n'ont aucune signification.

Son ton mordant fit pâlir Lunera, mais celle-ci ne se laissa pas marcher sur les pieds.

— Votre hardiesse et vos répliques acides ont dû vous être d'un grand secours après que mon père, Darkodem, vous ait malmenée et prise votre précieuse Slame, siffla Lunera d'une voix qu'elle voulait assurée et dégoulinante de sarcasmes.

La maîtresse de l'Opalslame changea de couleur plus vite qu'un feu de signalisation. L'irrespect de Lunera lui donna une teinte verdâtre, presque nauséeuse (elle rougissait sûrement de colère à sa manière), mais la mention de Darkodem la fit tant blêmir, qu'en voyant sa face, on aurait pu s'y méprendre avec les neiges alentours. Elle en laissa tomber sa hache.

— Qu'ouïe-je ? murmura la championne, apeurée. Vous êtes donc la fille de cet haïssable personnage ?

— Je... commença Lunera, avant de se taire.

Habituellement, Lunera se serait lancée dans une diatribe furieuse, défendant avec acharnement la mémoire de son défunt père, qu'elle ne supportait pas voir salie par des infamies pareilles. Habituellement, du moins. En voyant l'air craintif de la Guerrière, qui paraissait aussi solide et inébranlable qu'un vénérable rocher, Lunera se sentit étrangement affectée. La Gardienne ressemblait, à cet instant, à un animal qui aurait souffert de terribles sévices. Elle abaissa sa tête et regarda ses mains se tortiller, comme en proie à une grande gêne.

Terreur Lunaire - Livre 1 - Vers le Cœur ArkhaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant