XXI - La Croisée des Chemins - Partie 1

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06 février 1875 — Catacombes callistoises

Poussant un hurlement de frayeur, Lunera se réveilla en sursaut.

Le miroir !

Le coeur battant la chamade, elle se retourna et constata qu'il n'y en avait aucun. Surprise, elle cligna des yeux plusieurs fois, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Cette vive inquiétude se calma et laisse place à une migraine tenace qui vint la tourmenter. Une veine pulsait sur l'une de ses tempes. Elle se massa le front, en gémissant. La douleur était presque insoutenable. Un flot de souvenirs ressurgit.

Les squelettes. La faille. La protection sanguine. La flèche empoisonnée. Sa chute. Le... miroir.

Lunera comprit qu'il ne s'agissait que d'un rêve, que la glace n'avait jamais existé et qu'elle n'avait pas été assassinée.

Ça avait l'air d'être si réel pourtant... Était-ce une... prémonition ?

Elle frissonna à cette pensée. Difficilement, Lunera se releva et épousseta ses vêtements. Des bribes de son précédent cauchemar lui revinrent en tête et, instinctivement, elle porta sa main à la joue, s'attendant presque à trouver l'affreuse balafre. Soulagée qu'il n'en soit rien, Lunera demeurait tout de même mal à l'aise. Ce couloir mortifère ne lui disait rien qui vaille.

Derrière elle, les squelettes faisaient un brouhaha infernal. Elle leur jeta un bref regard, avant de dégainer sa Lame Jahanama. Elle était certaine que des dangers tapis dans l'ombre l'attendaient : il fallait se tenir opérationnel.

Lunera se retourna et tomba, cette fois, nez-à-nez avec un miroir. Poussant un hurlement à en glacer le sang, elle fit un grand bond en arrière. Ses mains tremblaient tant que son épée lui tomba des mains. La jeune fille la ramassa en vitesse, ne quittant jamais la glace du regard. Lévitant à quelques centimètres du sol, haut, le miroir était aussi splendide que dans son rêve, avec son cadre doré et ouvragé. Son reflet, magnifié, la lorgnait. Lunera put discerner une lueur malsaine dans ses propres yeux.

Lunera se pinça le bras, juste pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. Complètement tétanisée, elle ne fit rien d'autre que de jauger le miroir, qui semblait l'appeler. Soudain, elle sentit son corps se déplacer contre son gré. Elle avançait lentement vers le miroir.

— N-non ! Non, Lunera, n-non ! Reprend-toi, fais quelque chose ! bégaya-t-elle.

Alors qu'elle marchait lentement vers ce qu'elle savait être une mort douloureuse, une déferlante de souvenirs s'interposa dans ses pensées, comme si son cerveau était déterminé à repasser en boucle dix-sept ans d'existence dans un aussi court laps de temps.

Où était donc passée la Lunera qui s'était élevée seule, bravant fièrement les affres de la solitude dans une maison trop grande ? Où était donc passée la Lunera prête à se défendre becs et ongles pour ses propres intérêts ? Où était donc passée la Lunera, qui s'était relevée après l'annonce terrassante de la mort de Darkodem ? Où était donc passée la Lunera, qui s'était courageusement relevée après les sévices de Darkodem aux Inconnus ? Où était donc passée la Lunera, qui avait tenue tête farouchement à ses ennemis ? Que ce soit le groupe d'Assad, les sept Gardiens, ou n'importe qui d'autre, elle était restée forte et avait refusé de céder à la panique.

— Cette fois... ne fera pas exception ! affirma-t-elle, courageusement.

Son reflet fronçait les sourcils, la défiant d'agir. Une aura tenace l'oppressait et l'empêchait d'effectuer une quelconque action.

Terreur Lunaire - Livre 1 - Vers le Cœur ArkhaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant