Chapitre 16

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 Franky lorgnait les boulets de canon qui se trouvaient face à lui avec attention. Tous semblaient d'assez bonne facture, mais les yeux experts du charpentier et du tireur d'élite n'étaient pas dupes. Usopp secoua la tête.

— On n'ira pas bien loin avec des produits comme ça, chuchota-t-il aux oreilles du cyborg.

— Eh là ! J'vous entends, jeunes canailles !

Usopp sursauta. De son comptoir, le vieil homme les toisait d'un air peu aimable. Les deux pirates se retournèrent, plein de gêne et de honte jusqu'au cou. Le gérant n'étant qu'un simple vieillard au crâne dégarni, le sniper espérait qu'il n'entendrait rien. Malgré tout, il avait pris des précautions pour se faire discret.

Raté...

— Excusez-nous, monsieur... Est-ce que vous n'auriez pas... par hasard... de quoi restaurer le stock de notre navire ? Nous sommes des explorateurs, et il nous faut bien quelques boulets de canon pour nous défendre, et...

— Ne te fatigue donc pas, jeune homme. Je sais que vous êtes des pirates.

— Hein ? Comment... Non, ce n'est pas ce que vous croyez...

— Je n'appellerai pas ces clébards, si c'est ce qui t'effraie.

— Les...

— Les chiens du gouvernement, répéta le vieil homme. Je ne veux pas voir l'ombre de ces voyous en costard dans mon enseigne. Approchez donc.

Franky et Usopp poussèrent un soupir de soulagement. D'un pas tranquille, ils s'approchèrent du comptoir. Malgré tout, ils restèrent méfiants ; ce ne serait pas la première fois qu'on feint d'être aimable, rebelle et du côté de la liberté pour planter un couteau dans le dos.

De près, le vieil homme avait l'air un peu plus agréable ; ses yeux ne se plissaient pas de colère ou de mépris mais d'une intense concentration. Quelques rides ornaient le contour d'un regard débordant de vécu.

— Vous... Vous n'aimez pas la Marine ? questionna Franky.

— Pas depuis que l'autre salopiaud de Sakazuki est aux commandes ! Ce garnement est une raclure.

— Vous... Vous connaissez l'Amiral en chef ?

— Bien sûr ! s'esclaffa le gérant.

— Personnellement ?

— Ouh, non, pour sûr ! Personne n'aimerait connaître une pareille canaille. Les extrêmes, c'est pas pour moi. J'aurais préféré Aokiji, moi, quand ils ont changé de dirigeant. Bien plus sympathique, à mon humble avis. L'autre...

Dans son regard, les flammes d'un mépris total s'agitaient avec hargne.

— Ce n'est qu'un fichu hypocrite, clama le vieillard. Aucun écart ne nous est permis à présent. Rien, pas même une petite fraude de temps en temps ! Soit on suit le système, soit on crève ! J'sais pas pour vous, les jeunes, mais moi, ça me débecte ! Si j'avais pas soixante-dix-neuf ans, j'irais bien prendre la mer et lui casser la gueule à ce petit prétentieux !

— Quoi ?! s'écria Usopp. Mais vous êtes pas bien, mon vieux !

Au lieu de s'agacer, le commerçant explosa de rire, ce qui redoubla l'incompréhension de ses deux clients.

— Jijijijiji ! Vous m'plaisez bien, les jeunots ! Je vous offrirais bien de l'armement...

Sa phrase s'acheva sur un ton bien plus grave :

— Si seulement c'était possible...

Il se mordait à présent la lèvre inférieure. Toute trace d'hilarité s'était envolée, laissant place à un silence chargé de frustrations. Il porta un regard lugubre sur son magasin peiné. Les armes au-dessus de sa tête n'avaient aucun bel éclat, elles ne brillaient plus. Usopp n'y avait pas prêté attention auparavant, mais la petite boutique, chaleureuse et accueillante, n'était pas très fournie. Les prix variaient entre l'offre quasiment gratuite et les prix exorbitants qui feraient même pâlir les Dragons Célestes. Le sniper gratta son interminable nez, conscient que quelque chose n'allait pas. Franky, à sa droite, enleva ses lunettes de soleil pour fixer le vieil homme.

Le Poisson d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant