Chapitre 60

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Château d'Avalon — Salle des convives

Naro faisait les cent pas. Combien de temps allait-il encore attendre ? Cela n'avait que trop duré. Le Sommet était un moment important où il pouvait briller de mille feux. Faire résonner les bienfaits de son empire financier. Etaler la force de son génie économique. Montrer qui était le patron, ici. Le roi pensait peut-être qu'il limitait ses actions. Quel fou ! Quel imbécile ! Comment osait-il seulement imaginer qu'on pouvait le limiter ? Le restreindre, lui, Gama Naro, plus grand héritier du plus grand empire industriel sur la plus grande et dangereuse des mers ?

Et voilà qu'on le faisait patienter ainsi !

On lui avait bien proposé de rester en compagnie des autres délégations royales en attente du début des hostilités. Mais il avait refusé en bloc. Il préférait encore mourir... Non, pire encore ! Il préférait perdre une part de marché. Quelle perte de temps. Il observa avec dégoût le pendentif en or massif qui ornait son cou. Un an. Un an qu'il le portait ! Il commençait à en avoir assez. Il fallait se renouveler un peu. Que pourrait-il donc porter ? Peut-être des diamants. Oui, c'est bien. Un collier en diamant. Il en achèterait un autre. Un pour sa collection personnelle. Et même un second pour se pavaner. Sait-on jamais, peut-être le perdrait-il. Ça s'égare si vite, ces petites choses !

Il jeta un coup d'oeil à l'horloge de la pièce. Un petit bijou tant elle était agréable au regard. Que l'attente était longue et pénible. Il trépignait d'impatience. Le pays... Il sera bientôt en sa totale possession. Il aura totalement la main dessus. Il fera ce qu'il voudra. Non... C'était déjà le cas. Il contrôlait cette foutue contrée. Elle lui mangeait dans la main ! La lumière. Voilà ce qui lui manquait. La pleine lumière des projecteurs. La lumière du monde. Celle des salles de réunion au sommet du monde.

Il lui fallait encore attendre. Mais plus l'échéance s'approchait, plus le démon de l'excitation qui logeait au creux de son ventre s'agitait avec violence. Il ne pourrait bientôt plus se contenir ! Il fallait passer à l'action. C'était aujourd'hui. C'était maintenant. Il ne pouvait plus attendre. Pas quand ces imbéciles royaux végétaient à côté en s'empiffrant de mets tous plus délicieux les uns que les autres alors que tout, absolument tout, devait lui revenir de plein droit.

Mais tout n'était pas encore prêt.

Plus les secondes s'écoulaient, plus il se sentait comme un volcan sur le point d'exploser. Et gare aux culs de ceux qui seraient trop proches. Il pourrait très bien cramer jusqu'aux miches d'un dragon. Ou d'un empereur. Quand il était furieux, rien ne pouvait l'arrêter. Et en ce moment, un rien le contrariait. Il ne manquerait pas de le faire payer aux autres — car tout se paie, et chez Naro, c'était au centuple. Si tout ne se passait pas comme prévu, le pays entier en subirait les conséquences. Il commencerait par délocaliser son entreprise. Il quitterait ce nid de rats. Non pas parce qu'il voulait abandonner Edens Shield. Mais parce que sans lui, ils manqueraient de tout. Nourriture. Vêtements. Armes. Les provisions se raréfieraient. Il ferait monter les prix de manière exponentielle et n'offrirait que des miettes de pain. Mais c'est trop cher ! qu'ils piailleraient, ces crétins !

— Si c'est trop cher, ils boufferont de la brioche ! pesta-t-il dans sa barbe.

Et il ne manquerait pas non plus d'entreprendre de force ses travaux. Il y avait trop de verdure dans ce foutu pays. Et trop de villages. Il raserait en priorité le patelin de ces inconscients qui lui avaient tenu tête depuis trop longtemps. Ces irréductibles imbéciles. Rien ne les sauverait. Ils subiraient son courroux, peu importe leur résistance. Faire couler le sang n'était pas un problème. S'ils résistent, cela voulait simplement dire qu'ils ne désiraient pas participer au bien de la nation ; s'ils ne désirent pas participer au bien de la nation, alors ils n'étaient que des parasites ; s'ils sont des parasites, alors il fallait les éliminer. Le calcul était plutôt simple. Et Naro avait beau être le plus abject sur cette île — il le reconnaissait volontiers —, il possédait une qualité essentielle en ce triste monde : il était doué en mathématiques.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 21 ⏰

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