Le Poisson d'Or

Chapitre 30

 Au fil des années passées sur les mers, l'écume et les remous avaient emporté l'insouciance du docteur Trafalgar. S'il avait pris la mer avec un désir d'honorer une promesse, il avait, au début, pris du plaisir à chevaucher les vagues. Mais peu à peu, la nécessité de protéger son équipage et ses proches avait pris le dessus et il ne s'autorisait maintenant que de rares moments de lâcher-prise.

Il le savait, il était redevable envers Luffy. C'était lui qui, en quelque sorte, lui avait montré comment reprendre goût à l'existence et aux aléas de la vie. Même s'il était incapable de l'avouer à voix haute ; sa fierté le lui interdisait. Voguer aux côtés du gamin au chapeau de paille mettait ses nerfs à rude épreuve, mais cela avait quelque chose de reposant, au fond.

C'était du moins ce qu'il pensait avant de devoir lui courir après, alors qu'il empruntait le chemin des marécages. Luffy, pressé à l'idée de retrouver le reste de son équipage, marchait d'un pas rapide, sautillant en direction des arbres.

— Mugiwara-ya, attends !

— Non, toi, dépêche-toi Torao ! Allez !

— Va moins vite !

Il se retint de l'insulter ; il n'en eut pas le temps. Au même moment, il entendit un bruissement, comme un feuillage que l'on agitait. Law stoppa sa course. Il pressa avec fermeté le manche de son nodachi, les oreilles à l'affût. Voyant que personne ne le suivait, Luffy finit par s'arrêter et se retourna.

— Bah qu'est-ce qu'il y a ?

— J'ai entendu quelque chose.

Nami, qui venait de les rejoindre, se courba sous l'effort. L'oeuf pesait son poids, mine de rien ! Sanji avait bien tenté de la délester de ce fardeau, mais elle avait catégoriquement refusé. Autant par esprit pratique — elle préférait qu'il soit pleinement concentré — que par fierté. Maintenant qu'elle avait dit qu'elle s'occupait de ce trésor, rien n'était en mesure de la faire changer d'avis.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Chut. J'ai entendu un bruit.

— Quoi ?

Ils n'avaient pas parcouru beaucoup de distance. Ils n'avaient pas vraiment quitté la zone de leur atterrissage.

— J'ai entendu quelque chose ! répéta le chirurgien, agacé.

Les six pirates restèrent immobiles. Quelques secondes plus tard, le bruit recommença. Cette fois-ci, ils se retournèrent d'un même mouvement, fixant les arbres et les buissons face à eux.

— Montre-toi ! clama Law en dégainant son sabre.

Loin de s'immobiliser, le buisson s'agita de plus belle. Tout le monde se mit en garde. Une silhouette en jaillit, masse d'égratignure et de poussière. Une exclamation de stupeur traversa le groupe. Le seul qui resta sur ses gardes fut Law. En face d'eux, une enfant se tenait là, à genoux, toussotant. Elle leva des yeux noisette vers les inconnus qui la dévisageaient. Des yeux desquels avaient coulé beaucoup trop de larmes, séchées par le vent.

Vêtue d'une petite robe écarlate qui avait souffert d'un probable passage dans des ronces, la gamine paraissait faible, inoffensive, seule, perdue. Ses longs cheveux en bataille, d'un gris neige, tombaient sur son front pâle. Law grinça des dents. Elle était probablement malade, affaiblie. Un pansement ornait ses minuscules joues. A la vue de ses interlocuteurs, son regard se durcit légèrement. Mais son courage se teintait des reflets d'une peur bleue.

— N... Non... C'est pas vrai... souffla-t-elle. Ils vont me tuer...

— Hein ? fit Luffy en penchant la tête sur le côté. Qui ?