Chapitre 26

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 Le soleil tapait encore plus fort qu'au moment où ils avaient débarqué sur l'île. Les rayons ardents réchauffaient le sol brûlant. La brise, mécanique, venait et partait à intervalles réguliers. Tantôt, quelques vagues rafraîchissantes couraient sur la plaine, tantôt elles restaient désespérément silencieuses, laissant la chaleur s'exprimer librement. Le parasol vert de la forêt était bien lointain, et il fallait attendre l'ombre bienvenue d'une ruine pour sentir un courant frais sur la nuque.

Loin de s'en préoccuper, le groupe des archéologues — renommé ainsi pour l'enthousiasme évident de Robin — progressait à travers la zone. Armée d'un chapeau pour se protéger d'une éventuelle insolation, la jeune historienne avançait, scrutant chaque mur, observant chaque colonne. Son oeil averti se posait un peu partout, tandis que ses lèvres chantaient ses constatations à voix haute. A côté d'elle, Zoro gardait sa main sur ses sabres, prêt à intervenir en cas de danger. Son désir de trancher des adversaires gonflait dans sa poitrine. Des frissons couraient sur ses doigts. Bon sang, qu'est-ce qu'il aurait aimé découper un adversaire, même une bête féroce, n'importe quoi ! Mais il devait rester aux côtés de ses amis, et s'il fallait supporter une découverte en bonne et due forme de ruines, surtout si c'était Robin qui menait les opérations, alors il prendrait sur lui.

Il n'avait pas grand-chose à faire de toute cette histoire. Même s'il se doutait bien que cette histoire n'était pas qu'un tissu de mensonges, ça ne l'intéressait pas vraiment. Pas personnellement. Seulement, cette légende passionnait Robin, aussi préférait-il se taire. Suivre ce plaisantin n'était guère de son goût, surtout au vu de son entrée dans la librairie. Mais son art au sabre l'intriguait autant qu'il l'agaçait.

Au début, il ne sut pas pourquoi.

Ce fut en regardant Charlie esquisser un sourire à son amie qu'il comprit. Tout s'éclaira, et une nouvelle envie de faire danser ses lames, cette fois-ci sur la peau de cet intrus, lui électrisa tout le corps. Il n'aimait pas du tout la façon qu'il avait de regarder Robin. Leur complicité le dérangeait. En identifiant ce sentiment si particulier qui empoisonnait son coeur, il plissa les yeux. Ce n'était pas dans ses habitudes. Se montrer si possessif et jaloux...

Il détourna le regard, désireux de se concentrer sur autre chose. Derrière lui, Usopp et Chopper restaient silencieux. Les deux compères, d'habitude pleins d'entrain et de bonne volonté, suivaient le groupe sans dire un mot. Zoro pouvait comprendre : la chaleur était pénible. Loin d'être aussi dure que celle d'un désert, elle demeurait néanmoins oppressante et désagréable quand le vent ne se manifestait pas. Emballé dans sa fourrure, le jeune renne devait trouver ça encore plus pénible que les autres. Quant au sniper, il avait tendance à être un plus sensible aux changements de température.

Heureusement, ils s'étaient équipés de gourdes remplies d'eau glacée. Usopp en attrapa une et prit une rasade avant de la remettre dans son sac. Il posait un regard inquiet sur son environnement. Les colonnes se succédaient, inégales, lézardées de rayures qui témoignaient autant du passage du temps que de catastrophes.

— Mais on cherche quoi, exactement ? souffla-t-il.

— Des informations sur le Poisson d'Or.

— Dans de vieilles ruines ?

— Oui. La vie de ceux qui sont au plus près de cette créature saura certainement nous être utile, sourit Robin.

Usopp avait bien du mal à comprendre en quoi ça les aiderait, mais il n'insista pas. Inutile de se lancer dans une discussion stérile, il était préférable de garder son énergie si jamais ça tournait mal. Et son petit doigt lui disait que ça ne se passerait pas sans embûches. Tout allait de travers avec cet équipage, c'était une règle d'or. S'il y avait des ennuis, alors ils fonçaient droit dedans. Et la réciproque était encore plus vraie : s'ils fonçaient quelque part, ils pouvaient être sûrs de tomber sur une mauvaise surprise. Comme des monstres géants qui ravageraient des villages entiers. Ou des chasseurs qui tireraient des flèches au clair de lune pour les pourfendre. Ou d'autres choses encore, mais le soleil qui pesait sur leur nuque l'empêchait de faire fonctionner les rouages de son imagination. Mais il y avait toujours un problème.

Le Poisson d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant