Chapitre 51

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— Monsieur, bienvenue... Nous...

— Oui, oui, ouvrez ces fichues portes !

Naro grinça des dents et dévisagea férocement les deux hommes de main qui se trouvaient devant la porte du grand bâtiment. Il n'avait pas de temps à perdre en politesse, et surtout pas avec des hommes de main. Il devait vite regagner ses appartements et continuer ce qu'il avait à faire.

Devant l'air féroce — encore plus que d'ordinaire — de leur patron, les deux employés se regardèrent et posèrent leurs yeux sur l'homme qui accompagnait celui qui les payait à la fin du mois. Finn esquissa un sourire neutre. Il fallait bien soigner un minimum l'impression qu'il laissait à ses pions, tant que ceux-ci savaient rester à leur place. D'un air faussement admiratif, il contempla le lieu où ils se trouvaient. Une sorte de quai gigantesque, abrité dans une cavité rocheuse. Des hommes s'affairaient, portant des caisses par dizaines. Alcool, soie, nourritures, escargophones... Les cartons portaient tous des appellations différentes, témoignage de l'immensité de l'empire aux pieds de Naro.

Ce dernier remarqua l'hésitation de ses hommes, qui le regardaient d'un air circonspect. Sa fureur bondit d'un coup : que regardaient-ils donc, ces idiots ingrats, ces bons à rien, ces minables cloportes ? Quel spectacle pensaient-ils admirer, ces gueux ? Leur patron décoiffé, dans un costume poussiéreux ? Cette simple pensée l'éventrait. Quelle audace !

— Qu'est-ce que vous attendez ! éructa-t-il Votre salaire, peut-être ! Si vous traînez ici encore une seconde, vous pourrez l'oublier ! Alors ? J'attends !

Cette fois-ci, les hommes de main, conscients de la menace, se dépêchèrent d'ouvrir les portes. Naro, sans un remerciement, avança et entra, bientôt suivi par Finn, les yeux avides de découvrir ce qui se trouvait devant lui. L'obscurité qui régnait en maître dans les lieux fut bien vite balayée par une lumière froide ; le sol de la grotte, humide et rugueux, se transforma en une interminable rangée de carrelage. Derrière la porte qu'ils venaient de franchir, un couloir, qui ressemblait plus à un serpent blanc qu'à un couloir, s'étendait à perte de vue. Finn en fut aussitôt agacé ; il n'avait pas que ça à faire, marcher dans un couloir si long, même s'il saluait également la clarté de la construction. Des ampoules, au plafond, diffusaient des éclats froids, rappelant ceux des hôpitaux.

— Hâtons-nous, grogna Naro.

Finn ne répondit rien, mais la proposition de son nouvel allié le ravit. S'attarder ici ne lui plaisait guère, même s'il n'avait pas vraiment le choix. Répondre aux caprices du noblion n'avait rien de réjouissant, mais puisque ça faisait partie du plan, puisque c'était nécessaire pour son accomplissement, alors il devait prendre sur lui. Et ce, peu importe s'il préférait voir flotter le cadavre du petit homme à qui il emboîtait le pas. Il jeta un regard derrière lui. Karna les suivait en silence, sans rien dire.

Le pirate plissa les yeux, contrarié. Il n'y avait pas besoin d'avoir une bonne vue pour voir que son compagnon ne supportait pas la présence de leur allié. Après tout, Naro s'était amusé à l'insulter, sans même savoir qui il était. Car s'il connaissait Finn avant leur rencontre, ce n'était pas tout à fait le cas de Karna. Ni des autres.

Après deux pénibles minutes de marche dans ces couloirs uniformes, Naro s'arrêta devant un ascenseur. Tandis que le petit bonhomme appuyait sur le bouton pour invoquer la plateforme, Finn et Karna échangèrent un regard. L'homme-chat montrait les crocs. Son capitaine soupira ; il savait que son compagnon n'appréciait pas particulièrement les ascenseurs. Surtout s'il devait monter enfermé avec celui qui l'avait insulté deux fois.

Comme il s'y attendait, la montée fut particulièrement éprouvante, dans un silence relatif, seulement entrecoupé des grognements insatisfaits de Naro. Lorsque le Minks s'extirpa de l'ascenseur, il poussa un feulement qui oscillait entre le soulagement et le mécontentement :

Le Poisson d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant