Le Poisson d'Or

Chapitre 45

— Zoroooooo ! Zorooooooo !

D'interminables minutes s'étaient écoulées depuis que le chasseur de pirates s'était égaré, laissant derrière lui ses compagnons. Soucieux de laisser leur ami à la merci de ses tendances aventureuses, ce qui aurait compliqué davantage les recherches, le petit groupe s'était mis en tête de le rechercher le plus rapidement possible.

— Sinon, on ne peut pas le laisser ? maugréa Charlie. Il est assez grand pour retrouver son chemin, non ?

— Non, justement, soupira Usopp. On ne peut pas le laisser deux minutes tout seul sans qu'il ne se passe quelque chose.

— Comme Luffy, ajouta Robin, un sourire sur les lèvres.

— Parce que le capitaine et le vice-capitaine sont aussi timbrés l'un que l'autre ?

Dit comme ça, ça paraissait insultant, et ça l'était sûrement. Mais les jeunes pirates ne pouvaient pas échapper à la réalité. Aucun d'entre eux — à l'exception peut-être de Robin — ne pouvait être laissé seul. Même Nami faisait n'importe quoi quand il s'agissait d'argent. Et ils ne préféraient même pas parler de Zoro et Luffy. Le sérieux du vice-capitaine ne l'empêchait pas d'attirer des ennuis à tout le monde ; quant à Luffy, ils ne comptaient plus le nombre d'incidents qu'il avait déclenché.

Usopp songeait qu'il ne serait même pas étonné d'apprendre qu'en leur absence, Luffy avait fait en sorte de leur mettre la moitié de l'île à dos. C'était sa spécialité ! S'attirer les foudres des gens. Jusqu'à un certain point. Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis leur séparation. D'après Charlie, les marécages s'avéraient moins longs à traverser, mais leur pérégrination avait été ralentie. Leur progression était lente et prudente, en particulier à cause du nombre important de bestioles et d'obstacles.

Usopp n'appréciait pas cette partie de l'île. Les zones aussi sinistres cachaient rarement des surprises agréables. Chaque pas pouvait être le dernier avant qu'une tempête de crocs, de dards ou de griffes ne s'abatte sur eux. Autant dire qu'il n'était pas ravi d'avancer et qu'il voulait quitter ces lieux le plus vite possible.

Malheureusement, la disparition récente de Zoro n'arrangeait pas leurs affaires. C'était bien le moment de partir dans son coin ! Ce n'était pas comme s'ils se trouvaient au milieu de nulle part, alors qu'un danger trônait au-dessus de leur tête ! Il n'oubliait pas ces sifflements qu'il avait entendus dans la forêt et dans le sanctuaire. Des sifflements, des bruissements. Une présence qui lui donnait la chair de poule.

Depuis qu'ils étaient entrés dans les marécages, Usopp ne l'avait sentie qu'une fois, cette présence terrible, ce courant d'air glacial qui lui chatouillait la nuque. Une fois. Puis elle avait totalement disparu. Le tireur d'élite ne savait pas ce que c'était, et ne pas savoir constituait à peu près la première chose dans la liste des choses qui l'effrayaient. Ignorer le danger qui rôde.

Chopper et Robin ne semblaient pas l'avoir remarqué. Charlie, par contre, avait adopté une démarche prudente. Une démarche de laquelle transpirait une prudence presque animale.

— On... On est sûrs de se diriger dans la bonne direction ? questionna-t-il.

— Oui.

— C'est pas toi qui disais que tu n'as jamais été plus loin à partir du sanctuaire ?

Les épaules de Charlie se soulevèrent dans un soubresaut provoqué par un rire bref.

— Je n'ai jamais dit que je ne connaissais rien du reste de l'île, juste du sanctuaire. Toutefois, elle recèle encore pour moi quelques secrets, c'est tout.

Usopp répondit par une mine peu convaincue. Il commençait à se demander si ce gars qui les guidait n'était pas du flan. Une vaste farce. Pourtant, depuis le début, il n'avait cessé de veiller sur eux d'une façon ou d'une autre, et sans lui, ils auraient certainement mis plus de temps. Il ne se sentait pas guerrier accompli, mais Usopp savait très bien reconnaître un puissant combattant. Et Charlie, malgré ses fantaisies, dégageait une aura bestiale, celle d'un homme la main sur le sabre, prêt à se battre.