Chapitre 19

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Depuis le moment où elles avaient partagé ce repas ensemble, Erin et Charlotte étaient restées en contact régulier, mais Erin n'en avait rien dit à Brooke et Amy, savourant simplement le fait que Charlotte semblait s'être calmée. Brooke avait libéré un espace dans sa chambre d'amis pour en faire un bureau pour Erin, mais celle-ci n'arrivait pas à écrire. Il manquait quelque chose dans la décoration qui la mettrait dans les bonnes conditions pour écrire. Tout ce blanc l'empêchait d'avancer. Elle parvenait à écrire uniquement dans son ancien appartement, chez Amy, ou même au chalet, grâce à l'atmosphère et au caractère authentique des lieux. Amy lui avait donc donné une clé et avait transformé l'une des chambres de la mezzanine en bureau. Elle se montrait discrète lorsque Lincoln était présent, le laissant se reposer. Lincoln, quant à lui, montait la voir sans faire de bruit, observant Erin alors qu'un mur était recouvert du plan de son histoire. Elle étudiait parfois ce plan avant de se remettre à taper sur son clavier. Erin était totalement absorbée par son histoire et les chapitres avançaient bien. Le tome deux était plus sombre, plus riche, avec un rythme plus soutenu. Lorsqu'Erin se relisait pour effectuer des corrections, elle aimait ce qu'elle lisait, mais recommençait dès qu'elle n'était pas satisfaite, n'hésitant pas à effacer des pages entières. Elle envoyait ensuite ses chapitres à Amanda, qui avait finalement trouvé sa place à ses côtés. Amanda comprenait les émotions d'Erin, son style d'écriture et sa relation avec la haute direction. Amanda était la première à lire les chapitres, puis elle les transmettait à Brooke et Amy, accompagnés de ses commentaires. Au fur et à mesure que le roman avançait, elles pouvaient toutes voir où Erin conduisait ses lecteurs. L'histoire prenait de l'ampleur progressivement. Un troisième tome semblait inévitable, voire même un prequel. Les personnages créés par Erin étaient si vivants que lorsque l'un d'entre eux disparaissait pour les besoins de l'histoire, c'était une véritable perte, comme si un ami ou un membre de la famille venait de mourir.

Brooke était accaparée par son travail et Erin le comprenait. En plus de négocier ses propres contrats, elle gérait également quelques auteurs personnellement, bien qu'elle en ait confié trois à Amanda, qui gagnait de plus en plus en assurance. Amy, de son côté, s'occupait des contrats pour l'adaptation du roman d'Erin. Erin avait en tête certains acteurs et actrices qu'elle imaginait parfaitement dans les rôles, notamment une actrice qui avait profité de la période du COVID pour partager des vidéos de cuisine. Erin l'adorait déjà en tant qu'actrice, mais encore plus depuis qu'elle la suivait dans sa vie quotidienne. Elle ne voulait pas que l'adaptation soit ratée, comme cela avait été le cas pour de nombreux autres auteurs. Erin se voyait déjà rejoindre un groupe d'auteurs dont les adaptations avaient été mal réalisées, un peu comme les membres des Alcooliques Anonymes.

"Bonjour, je m'appelle Erin Matthews et j'ai été mal adaptée."

"Bonjour, Erin."

Elle visualisait la scène, imaginant les voix des autres auteurs qui avaient subi de mauvaises adaptations. La salle sentait le papier, une odeur de livres et de poussière.

Pour se changer les idées, Erin pianota sur son téléphone. La réponse ne tarda pas à arriver : Charlotte serait disponible dans une heure et Erin pouvait la rejoindre à ses bureaux. Malgré sa toxicité et ses propos piquants, Erin commençait à apprécier de plus en plus Charlotte. Même si elle jouait un jeu avec elle, dans le seul but de coucher avec Erin, il arrivait parfois que son cynisme laisse place à une affection sincère. Ces moments étaient rares, car Charlotte maîtrisait parfaitement son image et ses émotions. Lorsque cela se produisait, Erin le prenait comme une petite victoire personnelle. Cependant, elle restait prudente en présence de Charlotte, mesurant ses paroles et n'oubliant jamais à qui elle avait affaire. Comme un instinct primaire qui l'incitait à la prudence, un héritage génétique provenant de son lointain ancêtre, qui devait probablement être attiré par des champignons vénéneux ou des plantes carnivores en se disant "c'est beau, mais ne touche pas".

ÉchoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant