Je grince des dents.
Je vide mon verre d'un trait et fais signe au barman de remplir à nouveau mon verre de whisky.
Ce petit batard.
A-t-il vraiment cru qu'il pourrait se débarrasser de moi aussi facilement? Il n'a pas l'air de comprendre à qui il a affaire. Une petite piqure de rappel s'impose. Histoire de lui rappeler un petit peu mon existence. On ne m'oublie pas moi. Jamais.
Ce qui m'insupporte le plus, c'est qu'il a l'air de m'avoir complètement oublié et de vivre sa vie paisiblement, pendant que moi je souffrais.
Je tire rageusement sur ma cigarette. Je veux qu'il pense à moi constamment, jour et nuit. Je veux hanter ses rêves et ses cauchemars. Je veux qu'il sursaute au moindre bruit, se demandant si j'en suis l'auteur. Je veux revoir la peur dans ses yeux, la terreur hanter son regard. Le voir trembler de tous ses membres. Je veux effacer ce petit sourire narquois de son visage et y revoir le sang perlé au coin de ses lèvres.
Un sourire pervers étire mes lèvres que je trempe dans mon whisky. C'est ça. Ca m'a tellement manqué de le voir me supplier à genoux d'arrêter, tout tremblotant, terrifié. Ce visage qui hante mes nuits depuis tant d'années et que je n'arrive pas à oublier.
Il n'a jamais été aussi beau que le visage déformé par la douleur.Et son sang ... sa teinte écarlate est tellement douce, tellement pure. J'ai refait couler du sang depuis, des tas, mais aucun n'avait la brillance unique du sien.
Je vide encore une fois mon verre. Je vais lui faire regretter d'avoir cru qu'il pouvait refaire sa vie sans moi. Quand j'en aurais fini avec lui, il rampera à mes pieds pour me supplier de le pardonner.
Je regarde les photos éparpillées devant moi et passe ma langue pointue sur mes lèvres gercées. Je sens l'adrénaline déferler dans mon corps, mon pouls s'accélérer. Il n'y a rien de meilleur que l'anticipation, faire durer le plaisir.
J'observe le visage des personnes aperçues avec lui, mais surtout son regard à lui, pour choisir ma prochaine victime. Rien de tel que de lui enlever toutes les personnes qu'il aime, une part une. Jusqu'à ce qu'il finisse seul et sans défense, brisé.Je réfléchis tout en laissant vagabonder mon regard. Quand soudain je me fige. Je saisis la photo ayant attirée mon attention.
Je laisse échapper un ricanement. Je n'ai jamais réussi à le briser jusqu'à présent. Mais ça, c'était avant de tomber là-dessus. Il y a des regards qui ne trompent pas. Je crois bien que je viens de tomber sur le Grâal, de découvrir son point faible qui conduira à sa perte.
Mon rire gras emplit l'atmosphère du bar miteux alors que mes yeux pétillent d'une lueur mauvaise.