CHAPITRE 3

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REYNA


Les bruits d'impact de balle se répercutent contre mes tympans, se superposent à mes souvenirs, les remodèlent. Les vibrations qui secouent mon corps se synchronisent avec celles de l'attentat. Je force ma concentration, fais le vide. Puis tire à nouveau.

Quand je baisse mon arme, les cadavres virtuels jonchent le sol. La simulation est terminée. J'ai gagné. Mais le passé reste inchangé. Ce n'est qu'une illusion de vengeance, un simulacre de justice. Rien de plus qu'une tentative vaine de calmer ma colère —et ma peur.

Des Mécanis viennent récupérer les connecteurs vissés sur mes tempes, tandis que je fixe avec indifférence la salle immaculée, lavée de ce sang subitement effacé.

Les insomnies rythment mes nuits depuis huit ans déjà. Seulement cinq depuis que j'ai pris la décision d'affronter mes cauchemars et de les tuer. Du moins, pendant le temps d'une simulation. Une thérapie comme une autre.

À cause d'elles, je suis debout avant cinq heures et comme tous les jours, je pars courir avant que le soleil ne se lève. Puis je m'entraîne seule au combat libre dans la salle d'entraînement située au sous-sol de notre maison avant de parfaire ma technique sur des armes en tout genre. Tout plutôt que de rester éveillée dans mon lit à ne rien faire.

Les six mois passés au CorpusParae après mon accident ont été suffisants pour toute une vie.

Mais l'ennui guette. Même tirer ne me divertit plus. Je suis devenue trop douée, trop compétente pour que cela reste amusant. La facilité tue l'adrénaline.

Je vais m'asseoir un peu en retrait, sur la banquette qui fait face au simulateur de tir de notre sous-sol. Ma mère ne peut pas m'entendre ici, et même si c'était le cas, elle ne ferait pas de commentaires. La Matriarche se montre bien trop fière que je préfère me lever tôt pour me perfectionner plutôt que de dormir. Je crois qu'elle n'a jamais su que cela ne relevait pas totalement de ma volonté.

Un peu essoufflée, je demande à Mika d'allumer l'Holovision murale qui se teinte sur les vitres des loges de simulation. Je ne regarde que les chaînes d'informations, j'écoute les nouvelles quotidiennes avant d'aller en cours comme les droguées prennent leur jus de Paradis dans les Mushrooms avant d'aller travailler. C'est un rituel. La politique est devenue une symphonie apaisante, un injecteur de motivation.

Une assiduité que toutes les étudiantes en politique sénatoriale devraient suivre.

Mais ce matin, les chaînes semblent en effervescence. Les journalistes parlent vite, des flammes s'envolent en arrière-plan tandis que la fumée vient troubler la blancheur de la Lune encore visible. Je fronce les sourcils et monte le son, soudain plus qu'intriguée.

Si un incident s'est produit cette nuit, alors Zelda Call ne doit pas être très loin. Tout le monde informe la Matriarche en premier, et elle fait de l'information une arme très personnelle. Je sais d'expérience que ma mère aime avoir toutes les cartes en mains.

J'écoute attentivement la journaliste postée à quelques mètres d'un entrepôt toujours en flammes. Les pompiers maîtrisent le feu, mais les dégâts, eux, paraissent déjà considérables.

—    La nuit dernière, aux environs d'une heure du matin, des terroristes se sont introduits dans l'un des entrepôts secrets de l'armée où était entreposé tout un arsenal de défense, en cas d'attaque-surprise des hommes vivant par-delà le Mur. D'après nos informateurs, aucun système de sécurité ne s'est déclenché lors de cette intrusion, permettant aux criminels de se déplacer librement dans tous les secteurs du bâtiment avant de le faire exploser. Les terroristes étaient au nombre de cinq, tous des hommes entre trente et cinquante ans qui sont parvenus à s'enfuir avant l'arrivée des autorités compétentes. À l'heure actuelle, nous ne savons pas si du matériel militaire a été volé ni s'ils prévoient de réitérer une telle opération dans les jours à venir. Néanmoins, il semblerait qu'ils n'aient pas agi seuls : en effet, quelques minutes avant l'attaque, un Centre de Procréation dans le nord de New Angeles a été pris d'assaut par un petit groupe de Résistantes qui ont pris en otages les quelques préparatrices de nuit qui travaillaient au bon développement des embryons. Toutes les forces de police alentour ont été appelées sur le site pour tenter de désamorcer cette crise, laissant alors le champ libre aux criminels de l'entrepôt. Tout porte à croire que ces deux attaques étaient liées et que la prise d'otage du Centre n'a servi que de diversion pour avantager les braqueurs. Les conséquences pour la ville s'avèrent désastreuses. New Angeles a perdu une partie de son arsenal militaire et se retrouve alors affaiblie en cette période de tensions politiques avec l'Autre Côté, sans parler des nombreuses inséminations qui n'auront pas lieu puisque les partisanes d'Artémis ont pris soin de détruire tous les embryons du Centre avant de s'enfuir. La situation reste...

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