CHAPITRE 19 | PARTIE 1

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REYNA





La chaise sur laquelle je me tiens me grignote la peau comme de l'acide. Le plasticoÉlément semble vouloir se fondre en moi, remplacer mes os, mes veines et mes organes pour que nos deux structures ne fassent plus qu'une. Mes mains accrochent les accoudoirs avec une force proche du désespoir alors que tout mon corps se rigidifie de nervosité.

L'atmosphère de la bulle d'interrogatoire demeure austère, froide et obscure. La tension ne cesse de grimper crescendo depuis mon arrivée il y a une heure. L'angoisse prend peu à peu racine au creux de mon estomac, altérant ma capacité de réflexion. Des gouttes de sueur froide glissent dans mon dos à chaque seconde de plus passée dans cette pièce.

À moins d'un mètre de moi se dessine le panel de Sénatrices, cachées derrière leur imposant comptoir interactif. Toujours trois, toujours perchées à près de deux mètres de haut pour mieux me surplomber de leur autorité.

Je ne perçois que leurs yeux luisants dans la pénombre, que le bruit de leur stylet sur la surface lisse du bureau, que le bas de leur menton sortant à peine dans la lumière et le bas de leurs lèvres. Comme si l'éclairage bleuté déviait imperceptiblement sa trajectoire pour ne jamais éblouir qu'une faible parcelle de leurs visages figés.

Tout autour de nous, une vidéo panoramique défile sur la vitre interne de la bulle. Les séquences m'engloutissent par leur taille, me pétrifient de leur ambigüité. Mes yeux fixent le sol sans le voir, refusent d'affronter les images connues de ma dernière session de The Rule.

Je sais dans quel état j'étais, je sais ce que j'ai fait. Et je comprends la suspicion qui m'est adressée. Aucune excuse ne me sauvera de la véracité de ces actes.

Le bruit des machines s'évanouit dans un souffle. Je devine que les Sénatrices ont mis la vidéo sur pause. Les battements de mon cœur emplissent désormais l'espace réduit, supplantent le silence. Ils se répercutent contre les murs à la manière d'un tambour d'orchestre.

Les quatre connecteurs du détecteur de mensonges me perforent le cerveau. Je ne peux pas mentir. Pourquoi le ferais-je? Elles le savent. Elles me posent les mêmes questions depuis une heure. Pour me faire craquer, obtenir une réponse différente. Une dissimulation.

Mais je n'ai rien de plus à leur offrir que la vérité.

— Mardi 15 mars dernier, vous êtes-vous rendue à la huitième commémoration annuelle en hommage aux victimes de l'attentat de Newton Park ? énonce une nouvelle fois la Sénatrice centrale, la porte-parole de ce panel pour aujourd'hui.

— Oui.

Une réponse brève, franche et neutre. Ma voix ne tremble toujours pas, mais mon regard n'ose se relever au-delà du menton maquillé de mon interlocutrice. Athéna, je suis épuisée.

— Avez-vous prononcé un discours lors de cette commémoration ?

— Oui. Un témoignage pour être plus exacte. Comme chaque année.

— Votre mère, la Sénatrice Zelda Call, était-elle à vos côtés ?

— Oui.

— Dès la fin de la cérémonie, avez-vous fui les médias pour aller vous recueillir près de la stèle ?

— Oui.

— Avez-vous été abordée par une Résistante terroriste qui se faisait alors passer pour une journaliste ?

Le mot « terroriste » me frigorifie.

— Oui.

— Quel était son nom ?

ManipulationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant