CHAPITRE 13

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REYNA



L'annonce fait l'effet d'une bombe.

Au ralenti, ses débris se coincent dans les esprits, transpercent les cœurs. Ils assombrissent les âmes et réveillent, de leurs lames acérées, la colère noire des matriarches.

Le souffle de l'explosion aveugle momentanément les indécises qui ne tarderont pas à choisir leur camp. Alors que les plus engagées regarderont d'un œil sévère les dommages collatéraux nécessaires.

Puis il y a les spectatrices, contemplant la scène du drame à distance, fascinées par les couleurs chatoyantes provoquées par une telle apocalypse. Les victimes se rappelleront du passé, quand les actrices et auteures du crime ne retiendront que les glorieux résultats escomptés. Nul doute qu'elles les utiliseront pour mettre en avant leur courage et regagner l'affection populaire.

Seules les blessées, brûlées par les flammes acides du phénomène, resteront à jamais marquées par la tragédie.

En marge du champ de bataille, je demeure figée et le corps froid. Le Biologel se déverse dans mes veines à une cadence régulière. Mon visage se résume à un bloc de glace inexpressif, alors qu'autour de moi, la nation s'embrase.

L'expression de Nix se réduit désormais à une grimace horrifiée. Ses mains se raccrochent désespérément aux accoudoirs de sa chaise pour ne pas sombrer. Elle se serait probablement effondrée si elle n'était pas déjà assise.

Zelda Call vient de déclencher une guerre civile. Pourtant, tout mon être s'immerge dans une profonde indifférence à cette idée.

Au fond, Kherra Baross avait raison : peu importe l'immoralité de la mesure proposée, le nom de Zelda Call suffit pour que l'Assemblée accède à n'importe quelle requête. Cela ne me surprend pas plus que ça. Sa prestance la précède.

Mais il a suffi d'un murmure à l'oreille, d'une tentative d'attentat et d'une crise pour qu'elle décide de retourner sa veste. La Matriarche a dû finir par y trouver son compte. Parce que je doute fortement que la tuerie de masse incarne la principale raison de son refus initial.

Mais quand on compte les points, la Sénatrice Baross demeure la première gagnante de ce jeu de dupes.

—   C'est impossible... Reyna, ta mère... Elle ne peut pas avoir dit cela, s'inquiète l'infirmière, les yeux toujours rivés sur l'écran désormais noir.

—   Vous pensez que c'est une plaisanterie ? rétorqué-je froidement. Cette mesure est tout ce qu'il y a de plus officielle. Il n'y a aucun retour en arrière possible.

Je pose sur elle un regard ennuyé, à peine une percée dans ma glaciale nonchalance. Nix se montre pitoyable, comme d'habitude. Le malaise envahit soudainement la pièce quand elle commence à sangloter, une main tremblante caressant son ventre.

Cet excès de sentiments m'écœure, me fait détourner les yeux alors que je prie silencieusement pour que mon injection se termine au plus vite. Il n'y a rien de plus désagréable qu'être coincée avec quelqu'un incapable de retenir ses larmes.

—   Ça va, arrêtez de pleurer s'il vous plaît, m'agacé-je alors que ses pleurnichements m'arrachent une grimace. Ce n'est pas si dramatique.

—   Ce sont des enfants ! s'écrie-t-elle soudain, les yeux rouges et le nez plein de morve.

—   Ce sont de futurs terroristes, corrigé-je sans émotion. Une fois adultes, ils prendront exemple sur ces criminels et ils nous attaqueront. Alors qu'ils meurent maintenant ou plus tard, quelle différence ?

ManipulationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant