CHAPITRE 18 | PARTIE 1

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SHADE





Une agitation inhabituelle secoue la pension NA21, du district 64B de New Angeles.

L'établissement pénitentiaire s'est mué en une véritable fourmilière désorganisée, complètement livrée à elle-même. L'atmosphère brûlante entraîne dans son sillage la totalité des pensionnaires. Les Clans, les enfants, les marginaux, la ferveur touche tout le monde.

L'ambiance est bruyante, violente, et hors de contrôle. Les tables du réfectoire gisent sur le sol, retournées. Les bancs, brisés en deux, ont subi un sort plus douloureux. Les quelques rescapés tiennent désormais compagnie aux murs défraîchis, maculés de sauce.

La nourriture a été saccagée, les gamelles renversées, tandis que plusieurs Bots ménagers se retrouvent ligotés ou hors service.

Si j'étais naïf, j'aurais pu croire à un début de révolte de la part de mes camarades. La bonne blague. Au fond, il n'y a rien de plus improbable. Cette Pension se gorge de lâches et de pourritures soumises.

Alors que je traverse le champ de bataille prudemment, deux gamins hauts comme trois pommes percutent mes jambes. Je baisse les yeux et les affuble d'un regard noir qui n'entache même pas leur bonne humeur. Le sourire jusqu'aux oreilles, ils repartent en courant pour se cacher derrière des barricades fabriquées à partir des derniers meubles intacts et continuer leur combat.

En face, un autre groupe d'enfants s'amusent à leur jeter des tomates, des couverts en plastiques, ou même des morceaux de Bots récupérés sur les carcasses des machines. J'évite les jets de nourriture et m'étonne de l'absence des Intelligences Artificielles, des Guetteurs ou tout simplement des chefs de Clans.

Aucune figure d'autorité de plus de treize ans n'est actuellement présente dans le réfectoire, laissant les plus jeunes libres de tout encadrement.

Je poursuis ma route dans le couloir, attiré par les bruits de casse au loin. Je manque de me faire bousculer par une bande d'ados de quinze ans, munis de marteaux. Ils me dépassent sans faire attention à moi en quête d'une autre pièce à ravager.

Les néons déjà clignotants du corridor menant à notre école apparaissent désormais complètement éclatés. Ils pendouillent au plafond, menacent de s'effondrer sur nos gueules d'abrutis. Les éclats de verre brisés parsèment le chemin de terreur.

Sans même y accorder une quelconque importance, je les repousse du bout du pied pour avancer jusqu'au vestibule de l'établissement scolaire. J'aperçois une dizaine de jeunes sauter dans tous les sens, sur un fond de musique préfabriquée par les coups de barre de fer contre les casiers.

Les cris se mêlent au vacarme, l'hystérie contamine l'euphorie. Toute la scène ne forme qu'un immense baril de poudre prêt à nous péter à la tronche. Je soupçonne ces imbéciles d'IA de s'être retranchées dans leur salle de Recharge, complètement dépassées par la situation.

Étrange. Même dans le pire des cas, Zyar et Archer auraient dû intervenir. Rider aurait dû couper l'électricité et des renforts auraient été déployés pour maîtriser les Pensionnaires. Mais aucun protocole de sécurité ne s'est déclenché. Où sont donc passées ces foutues machines incompétentes?

Les Guetteurs ont tout simplement disparu de la circulation.

Mes camarades sont survoltés, désinhibés, parfaitement hors de contrôle. Comme s'ils étaient enfin libres, comme s'il n'y avait plus de règle, plus aucune interdiction. Quelle connerie. J'essaye de déterminer si leur comportement résulte d'une joie intense, d'une colère refoulée, ou bien d'un sombre désir de vengeance.

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