CHAPITRE 17 | PARTIE 2

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REYNA


Quelques heures plus tard, je participe à une session exceptionnelle de The Rule déplacée en plein après-midi pour me permettre d'assister aux commémorations. J'aurais voulu y échapper. Le 15 mars, ma tête se remplit d'horreur. En dépit des sourires factices pour l'assistance, mes larmes me noient de l'intérieur.

Ce jour-là, je suis une incapable. Une victime. Ce jour-là, je me hais. Je meurs un peu. Je survis dans l'indifférence. Je ne suis pas en état pour The Rule. Mais peu importe. Mon traumatisme ne m'a jamais totalement appartenu.

Je dois suivre le mouvement. Et je suppose qu'au vu de mes performances précédentes, personne ne verra vraiment la différence.

Le simulateur me recrache tremblante et couverte de sueur. Mon cœur s'emballe dans ma gorge, me brise les côtes. Les palpitations saccadées me coupent le souffle. Je tousse et m'étouffe, la vision brouillée, entrecoupée de fantômes du passé.

Il faut toujours quelques secondes après une simulation pour que le corps reprenne conscience de la réalité qui l'entoure. Mais après une dizaine de fois à revivre la même scène, j'ai peur d'être allée trop loin.

Maladroitement, je me retiens à l'ordinateur de contrôle pour ne pas m'évanouir. Mon cerveau veut me faire replonger dans mon inconscient. Mon dernier simuloRéveil l'a épuisé. Incapable de faire quoi que ce soit d'autre, je vomis pour la troisième fois. Une fine pellicule de transpiration recouvre ma peau brûlante alors que les dernières sensations du souvenir me parviennent de façon décuplée.

L'explosion. Le bruit. Les flammes brûlantes qui mordent lentement ma chair. Mes hurlements sourds. L'odeur de poussière qui m'étouffe. Et le sang. La mort.

Pour la douzième fois d'affilée, je viens de revivre l'attentat de Newton Park, comme si j'y étais. Le simulateur mémoriel est une invention aussi fantastique que traumatique. Grâce à lui, nous pouvons revivre n'importe quel moment de notre vie, aussi pleinement que si c'était la première fois. Les bons comme les mauvais.

Aujourd'hui, je sélectionne les pires.

Mon organisme à l'agonie ne me porte plus. Je m'écroule au sol lourdement, le cœur anarchique coincée entre mes côtes. Mon estomac se soulève encore. La bile me brûle la trachée avant de rejoindre les restes de mon maigre repas.

Par toutes les Mères Fondatrices, qu'est-ce qui m'a pris de faire ça?

Stupide. Stupide, faible, incapable, autant de mots qui tourbillonnent et transpercent mon cerveau de leur implacable justesse. L'émotion accumulée dans la journée me rend instable. Comme chaque année. Elle griffe ma chair et décharne mes os, comme pour m'expulser de ma propre carcasse.

Il était stupide de vouloir vérifier les allégations de cette chère Inaj Ranwell, alors même que je connaissais son appartenance au camp Artémis. Frappée par une simple ressemblance de phrases, j'ai agi avec impulsivité. Douze fois. C'est presque une trahison.

Contre tous mes instincts de survie, j'ai décidé de revivre cette scène qui abrite mes pires cauchemars dans le seul but de trouver un détail suspect. Un minuscule fragment de son honnêteté. Mais il n'y avait rien, juste ma souffrance. Rien de plus. Rien de probant.

Je le savais. C'était stupide de croire une femme coupable de trahison envers sa propre matrie.

Exténuée, je roule sur le dos pour calmer ma respiration. Mes muscles se contractent tous seuls, parcourus de spasmes violents. Le sang pulse dans mes tempes, résonne dans ma boîte crânienne. Je suis courbaturée, trempée et tremblante. Chaque inspiration me compacte les poumons.

ManipulationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant