CHAPITRE 27 | PARTIE 2

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REYNA






Je recule jusqu'au garde fou en pierre. Shade contourne les jardinières, son visage passant sans cesse de l'ombre à la lumière. Je sais qu'il sera plus fourbe avec moi que je ne l'ai été avec lui. C'est le jeu. Il a toujours été plus fort que moi dans ce domaine-là.

Et si ma souffrance ne l'indiffère pas, cela ne signifie pas pour autant qu'il est prêt à y renoncer si c'est ce qu'il faut pour parvenir à ses fins. Comme il l'a dit lui-même, il ne se soucie jamais des dommages collatéraux.

—   Qu'est-ce que je t'ai raconté d'autre lorsque j'étais déchiré, la semaine dernière ? Je veux tous les détails.

Shade disparaît derrière un enchevêtrement de tiges enroulées. Je sais que cette question le garde éveillé depuis sept jours. Je n'ai pas pu me résoudre à revivre ses déclarations et sa tendresse. Une partie de moi veut conserver ces moments précieusement, comme un petit secret honteux. Je m'efforce de me rappeler que je ne peux croire aucun des mots alcoolisés qui sont sortis de sa bouche.

L'alcool n'a jamais été un gage de sincérité. Et Shade reste un menteur.

—   Tu t'es excusé une bonne centaine de fois. À propos de ce que tu m'avais fait, du baiser, de ce que tu avais fait à ton ami et de qui tu étais en général. Tu... Tu m'as avoué connaître la vérité sur ce jeu. Quand je t'ai posé la question, tu m'as dit que tu tenais ces informations d'un gars que tu avais tabassé.

Shade revient vers moi, le visage fermé, la mine dure. Il comprend qu'il a gaspillé une de ses cartouches sans le savoir.

—   Je suppose que c'est toi qui as balancé son nom aux Sénatrices ?

—   Tu ne m'as pas donné son nom. Mais je l'ai mentionné, oui. Je n'avais pas le choix. Je passe chaque dimanche au détecteur de mensonges devant un panel de Sénatrices. Je suis confrontée à chaque image suspecte enregistrée pendant la semaine. Je dois m'expliquer.

Il semble réfléchir un moment, comme s'il doutait de ma sincérité. 

—    Et comme par hasard, le mec disparaît quelques jours après, ironise-t-il. Tu sais peut-être ce qu'elles en ont fait ?

Son ton accusateur mordille la haine jusque-là endormie dans mon estomac. Je dissimule ma surprise du mieux que je peux.

—   Pourquoi le saurais-je ? Le Sénat agit principalement dans une extrême confidentialité. Les déclarations publiques sont plutôt rares d'habitude.

Ma réponse ne lui plaît pas, mais il s'en contente.

—   Pourtant ta mère est Sénatrice.

—   Elle est plutôt taciturne en ce qui concerne son travail. Elle ne me fait part que des informations qu'elle juge importantes.

—   Comme c'est étonnant...

Le sarcasme me déstabilise. Il fait partie de ses rôles, de ses masques. J'ai toujours du mal à l'interpréter et il le sait. Il cherche à m'agacer, je ne supporte pas ses piques incessantes. Il veut que j'explose.

—   Revenons à ce qu'il s'est passé cette nuit-là. Je suis sûr qu'il manque des éléments.

—   Il n'y a rien de plus, Shade, je t'ai tout raconté.

—   Je croyais qu'on avait déjà statué sur le fait que tu ne savais pas mentir, me reproche-t-il en s'avançant d'un pas.

Je soupire et cache mes mains dans la poche ventrale de mon sweat pour ne pas qu'il voie mes tremblements. Je détourne le regard, soudain mal à l'aise, et je sais qu'il perçoit mon trouble. Cela le rend encore plus curieux, je sais qu'il ne lâchera pas l'affaire avant que je ne lui aie tout dit.

ManipulationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant