Chapitre 4 : Fiançailles en pagaille

15 2 0
                                    


Pas très loin de là, Henry demeurait en retrait de la piste de danse ; il avait vu Alice valser avec un inconnu qu'elle semblait apprécier, mais surtout il avait été forcé de regarder Sophie Menedis danser avec Jonathan Abraser. Son fiancé. Cela le rendait furieux, car il était persuadé de s'être fait prendre pour un idiot ; il comptait bien demander des comptes à Sophie, mais pour cela il aurait fallu qu'elle se décroche de son fiancé ! Au lieu de cela, elle valsait avec lui, sans changer de partenaire, semblant vraiment ravie d'être là, dans ses bras ; un peu plus loin, Alexander Menedis avait l'air surpris, et pour cause. Selon ses dires, Sophie ne voulait pas épouser cet homme, de vingt ans de plus qu'elle ; et pourtant, ce soir elle ne le quittait pas.

_ Tu pourrais m'inviter à danser, Henry, dit soudain une voix boudeuse à côté de lui.

Henry tourna la tête et vit Helena Ferewoll, une jeune fille qu'il connaissait plutôt bien ; à dire vrai, Helena et lui s'étaient tourné autour l'été dernier, échangeant même un baiser très chaste à l'ombre des palmiers de la demeure des Ferewoll. C'était avant que Sophie ne daigne poser les yeux sur Henry. Désormais, lui n'avait plus d'yeux que pour elle ; pourtant, cela faisait quatre ans qu'elle l'attirait, presque magnétiquement. Il s'était résigné à ne jamais obtenir les faveurs de Sophie Menedis lorsque leurs familles étaient devenues ennemies, mais visiblement depuis quelques mois, Sophie semblait avoir oublié cette part importante et ne cessait de lui envoyer moult allusions et remarques.

Henry s'était donc désintéressé d'Helena, mais voilà que Sophie l'ignorait de nouveau et lui reprochait d'avoir répondu à son stupide défi !

Et Henry apprenait aujourd'hui qu'elle était sensée être fiancée bientôt... Décidément, il ne comprendrait jamais rien aux femmes.

Il accepta de mauvaise grâce la main que lui tendait Helena et la suivit sur la piste, commençant à valser avec elle ; Helena cherchait le regard d'Henry mais celui-ci évitait de la regarder. Il savait qu'il l'avait blessé, en cessant de lui accorder de l'intérêt ; et Helena chercherait bientôt à savoir enfin pourquoi.

_ Tu sais, nos parents ne cessent pas de discuter, ce soir, dit Helena d'un ton neutre tout en valsant.

Henry se crispa légèrement ; l'été dernier, Helena et lui faisaient des projets de fiançailles, certains que leurs familles verraient d'un bon œil leur union. Lorsque William Karevell avait appris par Michael que Henry courtisait Helena, il avait tempéré l'ardeur de son fils en disant qu'il attendrait encore un peu avant de se marier. William était méthodique, et voulait profiter de ses enfants pour créer des alliances avec d'autres familles ; mais il n'avait pas l'intention de se précipiter.

Déçus, Henry et Helena s'étaient résignés à attendre que leurs familles discutent de leur future union ; l'été dernier, Helena n'avait que seize ans et était encore un peu jeune pour être offerte en fiançailles, en tout cas de l'avis de sa mère.

Henry s'était vite remis de cette déception, et Helena et lui s'étaient quelque peu éloignés ; puis Sophie avait commencé son petit manège avec Henry, au moment même où Helena revenait à la charge. Henry avait prétexté ne pas vouloir mettre son père au pied du mur, et il avait plutôt bien réussi à mettre une certaine distance entre Helena et lui. Jusqu'à ce soir, de toute évidence.

_ Il ne faut pas nous réjouir trop vite, marmonna Henry. Mon père cherche à marier Michael avant moi, de toute façon.

_ Ton père a accepté, dit abruptement Helena.

Elle avait sans doute noté le peu d'enthousiasme dans la voix de Henry ; Henry fronça les sourcils et interrogea :

_ Accepté quoi ?

Les ColoniesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant