_ Non mais tu le crois toi, Père a réussi à manipuler Jenkins, disait Henry à Alice, plus tard dans la soirée.
C'était devenu une habitude, de se retrouver dans la chambre de l'un ou de l'autre pour discuter des derniers faits marquants ; et contre toute attente, ce furent les fiançailles de Michael avec Lucy qui obtinrent le plus d'intérêt de la part de Henry.
_ Lucy va être folle, remarqua Alice. Elle pensait que ça ne serait pas à l'ordre du jour dans l'immédiat... Elle pensait avoir le temps de dénoncer les agissements de Père.
_ Tout se précipite bien trop vite, acquiesça Henry. Et cette idée de m'associer aux affaires de la famille... Comme si j'avais envie de ça.
Alice hocha la tête ; il y avait beaucoup de choses qu'elle devait dire à Henry, mais elle ne savait pas par où commencer. La journée avait été suffisamment riche en évènements, peut-être pouvait-elle attendre le lendemain ?
Elle en était là de ses réflexions lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit brusquement sur Bérénice ; Alice fronça les sourcils, prête à la houspiller pour n'avoir pas frappé, lorsque la raison de sa présence la frappa de pleine face. Bérénice venait sûrement pour parler à Henry de Achille... Non, pas maintenant...
_ Quelqu'un demande à vous voir tous les deux, près de la plantation, murmura Bérénice.
_ Qui donc ? interrogea Henry, surpris.
_ Lucy Jenkins.
_ Si tard ? s'étonna Alice.
_ Elle est dans tous ses états, leur apprit Bérénice. Et également, au sujet d'Achille...
Alice écarquilla les yeux et derrière Henry, lui fit signe de se taire ; Bérénice ferma la bouche, mais Henry n'avait pas remarqué leur manège. Il était déjà en train de sortir de la chambre, et Alice le suivit sans mot dire ; toute la maison était silencieuse, et ils sortirent sans faire le moindre bruit. Ils se dirigèrent tous deux vers la plantation, où les attendait une silhouette encapuchonnée ; la silhouette enleva son capuchon en les voyant, et Alice fut surprise de voir à quel point elle semblait en proie à l'agitation. Ses cheveux bruns étaient complètement défaits, et elle était vêtue de chemises et jupons uniquement, comme une simple souillon ; un manteau léger complétait la tenue, mais elle était visiblement partie en toute hâte sans prendre la peine d'enfiler quelque chose de décent.
Quand même, se mettre dans un état pareil juste pour ça...
_ Je suis navrée, dit-elle en les voyant arriver. Mais je ne voulais pas attendre. J'ai essayé de me raisonner, mais c'était impossible.
_ Tu aurais quand même pu enfiler une robe, dit Alice avec dégoût.
Lucy leva les yeux au ciel et Henry eut envie d'éclater de rire ; Alice, la reine des convenances !
_ Vous avez appris la nouvelle, j'imagine ? attaqua aussitôt Lucy.
_ Je reconnais que c'était assez inattendu, admit Henry. Je ne pensais pas que ça irait aussi vite...
_ Tu ne crois pas si bien dire ! répliqua Lucy avec rage. Les fiançailles auront lieu la semaine prochaine ! La semaine prochaine !!
Alice écarquilla les yeux de surprise, et interrogea avec stupéfaction :
_ Si vite ? Pourquoi donc ?
_ Mon père a sûrement peur que William change d'avis ! répondit précipitamment Lucy. Il y a beaucoup d'or en jeu. Ce ne sera pas une fête luxueuse avec autant de monde que pour Helena et toi, Henry, mais juste un dîner entre nos deux familles. Je n'y crois pas. Michael Karevell ! C'est un mauvais rêve...
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Les Colonies
Historical FictionComme beaucoup de familles anglaises, c'est confiants et sûrs d'eux que les Karevell quittèrent l'Angleterre pour la Caroline du Sud afin de profiter des richesses des colonies britanniques, en plein cœur du XVIIIème siècle. Henry Karevell pensait...