Alice examinait son reflet d'un œil critique, cherchant la moindre faille ; mais tout était parfait. Sa nouvelle robe en soie couleur émeraude tombait parfaitement sur sa taille, et la couleur faisait ressortir ses grands yeux verts ; ses cheveux blonds avaient été soigneusement coiffés en un chignon à la dernière mode, et un collier d'émeraudes et de perles rehaussait sa tenue. Elle l'avait déjà porté lors de la réception du Gouverneur, mais il lui plaisait tellement qu'elle avait presque supplié sa mère de le lui prêter à nouveau. En réponse, Isabelle Karevell lui en avait fait cadeau, et Alice regarda les émeraudes avec satisfaction, ravie de le posséder. Tout ce qu'elle voulait, elle l'obtenait, et ce depuis sa plus tendre enfance. Thomas et Michael avaient toujours cédé à ses moindres caprices, Henry aussi, souvent ; il était évident qu'elle avait toujours mené par le bout du nez son petit monde.
_ Alice ? Nous y allons, ma chère ! dit Isabelle en faisant irruption dans la chambre de sa fille. Oh, tu es divine !
Alice sourit d'un air satisfait et suivit sa mère hors de sa chambre, rejoignant Henry qui attendait dans le hall de la maison ; le voyant, Alice fronça les sourcils et interrogea :
_ Tu nous accompagnes, finalement ?
_ J'ai changé d'avis, oui, répondit simplement Henry.
Ou plutôt, quelqu'un avait dû le faire changer d'avis... Cette exposition suivie d'un cocktail allait réunir une partie des familles influentes de Charleston, donc pas mal de monde connu mais également d'autres personnes qu'ils ne côtoyaient pas habituellement. Il y aurait probablement les familles irlandaises et écossaises, même si Alice et Henry les connaissaient peu.
Evidemment, Alice savait pourquoi Henry venait, tout compte fait ; Sophie Menedis devait faire partie des invités.
Alors qu'ils prenaient place dans la voiture, Alice glissa à Henry tandis que leur mère disait quelques mots au cocher :
_ Tu ne comptes quand même pas profiter de l'occasion pour t'éclipser avec elle ? Votre absence sera remarquée ! Tout comme vos échanges !
_ Ne t'en fais pas, Alice, murmura Henry. Il n'y a pas que pour Sophie que je viens.
Alice fronça les sourcils, mais leur mère les rejoignit et toute discussion devint donc impossible ; elle essaya malgré tout de capter le regard de son frère, mais Henry demeurait impassible et Alice se renfrogna dans son siège, espérant seulement qu'il n'avait rien prévu de stupide. Elle le connaissait très bien, et savait pertinemment qu'il n'avait pas l'intention de laisser de côté sa croisade contre leur père. Alice ne savait pas comment faire pour l'en empêcher, et elle avait finalement décidé de ne pas y penser ; après tout, Henry ne l'écoutait pas, alors... Pourvu simplement qu'il ne fasse rien de stupide.
Ils arrivèrent assez vite à la toute nouvelle galerie d'art, croisant au passage des esclaves enchaînés, emmenés vraisemblablement vers le port ; Alice détourna le regard, préférant détailler l'endroit où ils allaient passer l'après-midi.
La galerie se situait dans une ruelle proche du port, et c'était en fait une maison appartenant au père du jeune homme qui exposait ses tableaux ; de ce que Alice en savait, ils avaient modifié le rez de chaussée de la maison afin de pouvoir exposer les tableaux du jeune artiste. L'art était très en vogue actuellement, et c'est pourquoi nombre de personnes se pressaient pour voir le travail du peintre, et profiter de l'occasion pour se montrer et commérer.
Alice sortit de la voiture et suivit sa mère et Henry vers l'entrée, où un tas de gens se pressaient déjà ; Isabelle Karevell salua quelques connaissances en route, et très vite elle abandonna Henry et Alice à peine entrée dans la nouvelle galerie.
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Les Colonies
Ficção HistóricaComme beaucoup de familles anglaises, c'est confiants et sûrs d'eux que les Karevell quittèrent l'Angleterre pour la Caroline du Sud afin de profiter des richesses des colonies britanniques, en plein cœur du XVIIIème siècle. Henry Karevell pensait...