Les Colonies

Chapitre 9 : Le parfum de la trahison

Lucy était bien déterminée à prouver que les Karevell avaient commandité l'incendie de l'entrepôt de sa famille ; restait maintenant à trouver comment. Il était impossible d'en discuter avec son père, s'il apprenait qu'elle avait utilisé la sorcellerie pour cela il refuserait d'entendre quoi que ce soit. Sa mère également, elle ne pratiquait plus depuis les dernières dénonciations à l'automne dernier ; elle n'était pas passée loin du bûcher...

En désespoir de cause, Lucy décida d'en parler avec son amie Sophie Menedis ; sa famille détestait les Karevell, peut-être qu'elle réussirait à convaincre Oliver ou Alexander, ses frères, de tout faire pour que l'affaire explose au grand jour.

Sur ce point, Lucy devrait se montrer prudente car Oliver serait prêt à tout pour faire tomber les Karevell. Vraiment tout. Et quant à Alexander, son amitié avec Henry Karevell compliquait les choses ; mais Alexander était fou amoureux de Lucy, ils étaient tous les deux promis et bientôt fiancés, donc Lucy pourrait sûrement le convaincre. De toute manière, elle ne pouvait pas parler de magie et sortilèges devant Oliver mais en revanche Sophie savait, et Alexander devrait bientôt le savoir aussi, s'ils devaient devenir mari et femme. Lucy ne comptait pas lui cacher cela, mais elle espérait que son amour pour elle prendrait le pas sur l'horreur que lui inspirait la sorcellerie.

Si seulement plus de gens étaient comme Sophie... Aventurière, désireuse de percer des mystères... Elles se complétaient bien, toutes les deux.

_ Tu as fait quoi ? interrogea Sophie, bouche bée, alors que Lucy venait de lui raconter son sortilège.

Il était encore tôt, ce matin là, lorsque Lucy s'était présentée au domicile des Menedis afin de venir voir Sophie ; surprise, celle-ci avait suivi Lucy dans sa voiture et tandis que les chevaux tiraient la voiture vers la demeure des Jenkins, Sophie avait écouté, muette, Lucy lui raconter à voix basse ce qu'elle avait fait.

Sophie ne cessait de jeter des coups d'œil vers le cocher, mais Lucy semblait ne pas s'inquiéter du fait qu'on puisse l'entendre ; elle avait des relations amicales assez poussées avec les esclaves de sa famille, sûrement dû au passé de sa mère, mais de là à leur accorder sa confiance et parler sorcellerie devant eux... Sophie craignait que quelqu'un ne la trahisse, un jour.

_ Il fallait que je sache, dit Lucy d'un air déterminé.

_ A quoi ça va t'avancer ? Tu n'as pas la moindre preuve.

_ C'est pour ça que tu viens avec moi jusqu'à l'entrepôt, dit Lucy avec évidence. Nous allons chercher des preuves. Je compte sur tes capacités d'enquêteur. Et je n'avais surtout personne à qui en parler, exceptée Hermione.

_ Et ton cocher qui a sûrement dû entendre, remarqua Sophie.

_ Hermione a pour consigne de chercher des informations de son côté, répondit Lucy en haussant les épaules. Tu serais surprise de voir à quel point les esclaves savent des choses sur leurs maîtres.

Lucy se frotta les mains et poursuivit, sans remarquer l'air troublé de son amie :

_ Nous allons examiner les lieux. Il y a peut-être des indices sur place...

_ Je croyais que la garde avait déjà fait ce travail, rappela Sophie.

_ Certains sont peut-être à la solde des Karevell et ont sûrement dissimulé des preuves ! rétorqua Lucy.

_ Dans ce cas, nous ne trouverons rien...

_ Il faut bien commencer par quelque chose ! Enfin Sophie, tu as l'air complètement ailleurs. Que se passe-t-il ?

Sophie demeura silencieuse, un tourbillon de pensées frappant son esprit ; par où commencer pour expliquer à Lucy son désappointement ?

Elle était tellement déçue et en colère, en même temps, d'apprendre cela... Apprendre que Henry, notamment, était mêlé à cet accident c'était intolérable pour Sophie...