Chapitre 8 : La rancœur d'un fils

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_ Tu es vraiment certain de pouvoir accorder ta confiance à cet homme noir ? répéta à nouveau Alice, un peu plus tard dans la soirée ce jour là.

Henry avait dû attendre la toute fin de journée pour discuter brièvement avec Alice, leurs parents étant rentrés pile pour prendre le thé avec leurs enfants. Et ce ne fut qu'après le dîner, alors qu'ils s'étaient rejoints discrètement dans sa chambre, que Henry pu lui expliquer en détails ce que Achille lui avait dit.

_ Pour la millième fois, oui, Alice, soupira Henry.

Il se frotta les yeux d'un air las, faisant les cent pas dans sa chambre ; Alice était assise sur la banquette devant la fenêtre, regardant au dehors d'un air pensif et inquiet. Ce que Henry lui avait révélé ne pouvait pas être vrai. Ca ne devait pas être vrai...

_ Sais-tu combien de personnes sont au courant ? demanda à nouveau Alice.

_ Probablement Achille seul. Il n'aurait pas parlé de ceci à ses amis...

_ En es-tu sûr ?

_ Qu'est-ce que ça change, de toute façon ? s'emporta Henry. Les faits sont là. Père a tué des hommes pour se venger de George Jenkins, il a incendié volontairement son entrepôt.

_ Fait incendier, corrigea Alice.

Henry lui jeta un regard noir et Alice dit pour se défendre :

_ Les mots ont leur importance, Henry. Il ne l'a pas fait directement. Il pourra toujours se défendre, prétendre que ces hommes mentent et veulent l'incriminer. Il reste des chances...

_ Des chances de se défendre ? répéta Henry d'un air atterré. Tu prends vraiment sa défense ?

Alice se mordit les lèvres et finit par lâcher, en évitant de regarder son frère :

_ Nous sommes une famille, nous devons nous soutenir.

_ Nous soutenir ? Alice, notre famille si parfaite a tué des hommes !

_ Je sais bien, dit précipitamment Alice. Mais si cela se savait, imagine les conséquences pour notre famille, notre futur ici !

Henry regarda sa sœur d'un air atterré, et Alice évita son regard ; évidemment, il n'y avait que lui pour vouloir nuire à leur famille... Voilà ce qu'elle devait se dire. Et elle n'avait pas complètement tort.

Depuis que leur père l'avait menacé, Henry ne cessait de ruminer sa rancœur ; et les révélations d'Achille lui avaient donné de quoi satisfaire des idées de vengeance... Mais il avait été bien idiot de penser que Alice pourrait l'appuyer. Elle ne mettrait pas en péril son avenir, peu importe qu'il y ait eu des morts ou non.

_ Henry, écoute moi, reprit Alice d'une voix douce qui ne lui ressemblait pas. Je sais que toute cette histoire te choque profondément, je sais aussi que tu vaux mille fois mieux que nous tous réunis. Mais tu ne peux pas nous trahir comme cela... Tu ne peux pas dénoncer Père. Et même si tu le faisais, tu t'appuierais uniquement sur le témoignage d'un esclave ? Tu n'as pas l'ombre d'une preuve. Père t'écraserait sans aucun scrupule. Il t'a déjà menacé.

Henry dévisagea Alice, surpris par ces paroles ; elle avait l'air très inquiète pour lui, en réalité.

_ Je ne compte pas me présenter devant lui en lui crachant au visage que je sais qu'il est mêlé à cet incendie, dit finalement Henry.

_ Non, tu comptes en parler à d'autres personnes pour mettre à genoux notre famille. Et ça, Père ne te le pardonnera jamais. Il ne te laissera jamais en paix.

_ Je ne compte peut-être pas rester longtemps dans le coin.

Alice fronça les sourcils et se leva brusquement de la banquette où elle s'était installée ; elle se planta devant son frère et s'exclama, soudain furieuse :

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