Les paroles d'Henry résonnèrent dans la tête d'Alice toute la nuit ; elle dormit peu, tournant et retournant ses pensées, et prit sa décision alors que le jour n'était même pas encore levé.
Elle s'habilla prestement et sortit silencieusement de la maison, se dirigeant vers l'écurie ; cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas sellé un cheval elle-même mais elle n'avait pas oublié comment faire, et au bout de plusieurs tentatives parvint à préparer une jument calme et gentille qu'elle avait l'habitude de monter. L'aube s'apprêtait à se lever mais Alice estimait qu'elle avait encore un peu de temps devant elle ; elle ne tarda pas cependant, et enfourcha sa monture prestement. Elle portait une robe de jour en coton très simple, pour une fois, et avait lâché ses cheveux blonds qui tombaient en cascade sur ses épaules ; inconsciemment, tentait-elle de se montrer moins conventionnelle ? Les mots d'Henry avaient eu un certain impact sur elle. Finalement, ce n'était pas si mal car sans leur discussion, elle n'aurait jamais pris le risque de partir seule si tôt le matin pour aller sur le port...
Le trajet ne fut pas très long, et heureusement que Alice connaissait plus ou moins le chemin ; elle faillit quand même se perdre une ou deux fois, mais finit par arriver sans trop d'encombres jusqu'à son but.
Contrairement aux rues silencieuses qu'elle avait traversé pour venir, le port était extrêmement animé vu l'heure matinale ; mais c'était bien normal, un bateau allait lever l'ancre, alors les matelots s'activaient, les personnes qui avaient payé pour embarquer jusque Cuba s'entassaient avec leurs bagages...
Alice descendit de son cheval et la mena au pas jusqu'à ce qu'un marin l'arrête et dise d'un ton navré :
_ Je suis désolé, M'dame, mais vous pouvez pas venir avec un cheval ici.
_ Je cherche quelqu'un, dit Alice d'un ton suffisant. Le second du Capitaine.
_ Il est occupé, répondit le marin sur le même ton que celui d'Alice.
_ Allez lui dire que Alice Karevell souhaite le voir, répliqua froidement la jeune fille. Je vous déconseille de m'ignorer.
Le marin la regarda d'un air mauvais mais obtempéra, et partit au bout de la jetée là où des hommes faisaient embarquer des paquets, sous le commandement d'un jeune homme ; le marin sembla dire quelques mots au jeune homme, qui tourna vivement la tête et se dirigea à grandes enjambées vers Alice, sans attendre.
_ Alice ! s'exclama James en la rejoignant. Je reconnais que c'est là une bonne surprise. Je ne m'attendais pas à te voir.
Surprise par ce tutoiement soudain, Alice perdit quelque peu ses moyens mais elle se reprit bien vite et dit :
_ Tu me l'as proposé, rappelle toi.
_ Je ne pensais pas que tu viendrais, cependant. Je suis agréablement surpris, en réalité.
Il lui sourit et Alice le détailla du regard, avant de dire avec un léger sourire :
_ J'aime beaucoup l'uniforme.
En tant que second du Capitaine, James avait revêtu l'uniforme qui sied à la position qu'il occupait ; la redingote et le gilet assorti, ainsi que le tricorne lui donnait un air important, et Alice se rengorgea, persuadée d'avoir réellement trouvé le parti idéal.
_ Ce voyage va être fantastique, dit James avec enthousiasme. Mais au vu de l'absence de sac de voyage, j'en conclus que tu ne viens pas ?
_ J'ai dit non, rappela Alice. Ce n'est pas le moment pour moi de partir.
_ Il n'y a pas de bon ou de mauvais moment, simplement des opportunités qui se présentent, remarqua James. Mais soit. Je peux le comprendre. Je suis déjà ravi que tu sois venue, ce matin.
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Les Colonies
Historical FictionComme beaucoup de familles anglaises, c'est confiants et sûrs d'eux que les Karevell quittèrent l'Angleterre pour la Caroline du Sud afin de profiter des richesses des colonies britanniques, en plein cœur du XVIIIème siècle. Henry Karevell pensait...