Alice entraîna Henry vers les entrepôts du port, et tous deux s'y cachèrent durant de longues heures, attendant après quelque chose. Henry n'était plus capable de penser clairement, et il se laissa guider par Alice sans mot dire ; il était complètement sous le choc de ce qu'il venait de se passer, et il ne réagit même pas en voyant James le Lord leur rendre visite alors que la nuit tombait.
_ J'ai cru que tu n'aurais pas mon message, murmura Alice lorsqu'il se faufila dans l'entrepôt sombre. Ou pire, qu'il serait intercepté.
_ C'est une grande chance d'avoir des esclaves sur qui l'on peut compter, dit James. Quoi qu'il en soit, j'ai tout arrangé. Il faut juste que vous restiez ici jusque demain soir.
_ Pas de problèmes, dit aussitôt Alice.
_ Je m'occupe de tout. Le bateau partira de nuit, il faut éviter d'attirer l'attention. Toute la ville est en ébullition...
Henry sembla retrouver ses esprit en entendant cela, et il demanda d'une voix rauque en regardant James :
_ Qui est mort ?
_ Oliver est le seul survivant de sa famille, répondit James d'un air grave. William est de son côté en vie, et il s'est auto proclamé Gouverneur de Charleston.
_ Je dois le tuer, dit froidement Henry.
Il se dirigea vers la porte de l'entrepôt mais Alice l'arrêta et dit d'une voix suppliante :
_ Non, Henry s'il te plaît, ça ne servirait à rien, tu vas te faire tuer...
_ Tu penses que j'en ai quelque chose à faire ? Il a tué Sophie !
_ Je sais, dit doucement Alice. Je le sais, c'est terrible. Mais ne détruis pas ta vie également, s'il te plaît... Viens avec moi.
_ Pour aller où ? Rétorqua Henry. Je me moque de partir. Je dois le tuer. Je le dois !
_ Si je puis me permettre, Henry, intervint alors James, ce serait le plus mauvais moment pour le faire. Votre père est tout puissant, à présent. Les Menedis sont décimés, leurs alliés se sont rapprochés de William par la force des choses. Il tient toute la ville, la région entre ses mains. Ce serait du suicide de s'en prendre à lui.
_ Je m'en moque, répéta Henry.
Alice serra les poings et s'exclama, telle une furie :
_ Moi je ne m'en moque pas ! Je ne veux pas te perdre, Henry ! Nous avons une chance de partir enfin de cet endroit, saisissons-la. Ensemble...
Henry se passa les mains sur le visage, complètement détruit ; il n'ajouta rien, et James dit alors :
_ Réfléchis y jusque demain soir, Henry. Mais Alice a raison.
Il quitta l'entrepôt sur ces mots, et Henry se laissa glisser contre la porte, la tête entre les mains ; secoué de tremblements incontrôlables, il réalisait ce qui s'était passé. Plus jamais il ne verrait Sophie. William la lui avait prise, à tout jamais...
_ Je ne peux même pas imaginer ce que tu ressens, souffla Alice d'un ton malheureux en s'asseyant près de lui.
Elle passa un bras autour de ses épaules et se blottit contre lui ; ils restèrent un long moment l'un contre l'autre, frère et sœur meurtris, sans avoir besoin de se parler pour se comprendre.
Alors que Henry et Alice s'apprêtaient à quitter Charleston, Lucy assistait aux conséquences de ses actes sans le moindre remord.
Elle avait vu la main de William appuyer sur la gachette et tuer Sophie avec froideur, mais c'était comme si elle avait elle-même tué son amie. C'était de sa faute, suite à son sortilège.
VOUS LISEZ
Les Colonies
Historical FictionComme beaucoup de familles anglaises, c'est confiants et sûrs d'eux que les Karevell quittèrent l'Angleterre pour la Caroline du Sud afin de profiter des richesses des colonies britanniques, en plein cœur du XVIIIème siècle. Henry Karevell pensait...