James la regarda avec un petit sourire en coin, et demanda d'un ton innocent :
_ Comment, déjà ? Je suis pourtant certain que c'était l'aventure la plus passionnante de toute votre vie !
Alice le regarda, scandalisée, et rétorqua :
_ Mais de quel droit vous me jugez comme cela ? Vous ne me connaissez même pas !
_ Alice, enfin... Vous êtes l'unique fille d'un riche planteur de Caroline du Sud. Vous venez de Londres, vous avez quitté la haute société londonienne pour la haute société de Charleston. Je suis certain que c'était la première fois que vous assistiez à une bagarre entre gens du peuple.
Alice ne répondit pas, les dents serrés ; elle tourna la tête et croisa les bras, et finit par lâcher :
_ Et même si c'était le cas, qu'est-ce que cela peut bien vous faire ? Cela me convient très bien de vivre ainsi.
_ L'aventure ne vous tente donc pas du tout ? Pourquoi aider votre frère, dans ce cas ? Cela doit être excitant, pour une jeune fille de bonne famille, de transgresser les règles. Je me trompe ?
_ Il s'agit uniquement de protéger Henry de l'œil de notre père, rétorqua Alice, les bras toujours croisés. Et jamais il ne m'aurait offerte en pâture à un mendiant comme cela, lui ! En plus, vous avez décidé de me prévenir au dernier moment ! Vous m'avez manipulée.
James écarta les bras comme s'il s'avouait démasqué, et il dit sur un ton d'excuse :
_ J'ai finalement cru que cela vous amuserait, mais je me suis de toute évidence trompé. J'ai pensé que sortir de votre quotidien vous plairait, mais si je me suis fourvoyé, dîtes le moi. La Alice cinglante et piquante que je viens de rencontrer laissait penser qu'elle serait ravie de vivre des choses différentes.
Alice se mordit les lèvres, réfléchissant à toute allure ; le peu qu'elle connaissait de James laissait entendre que lui était bien du genre à sortir du quotidien. Il n'avait pas hésité à laisser son titre de Lord pour partir découvrir le monde !
Et il plaisait beaucoup à Alice, c'était un fait ; même si son côté manipulateur était quelque peu déplaisant...
Mais il était évident que si Alice voulait lui plaire, il allait falloir qu'elle sorte elle aussi de son quotidien, comme il disait. Et si elle était tout à fait honnête avec elle-même, elle avait apprécié ce moment, ce parfum enivrant de l'aventure et du danger ; ce qu'elle n'avait pas aimé, c'était le comportement de cet homme qui l'avait agressé. Et de s'être faite manipulée par James, il fallait le reconnaître.
_ Elle l'est, répliqua finalement Alice. Mais sachez que je déteste être manipulée, et c'est ce que vous avez fait. Soyez honnête dès le départ, la prochaine fois. Là, vous étiez prêt à me laisser me faire agresser juste pour pouvoir mettre votre marchandise en sûreté. Imaginez ma réaction si je n'avais pas su que c'était faux ! J'en aurais été très choquée. Ce n'était pas correct de votre part.
James sourit, un sourire renversant et ravageur, et il dit négligemment en passant sa main dans son catogan :
_ Donc, la prochaine fois vous dîtes ? Vous voulez qu'il y ait une prochaine fois ?
_ Je ne suis pas uniquement la fille d'un planteur riche qui fait tout ce qu'on lui dit, rétorqua Alice en reprenant ses mots.
_ Parfait, alors, dit James d'un air satisfait. En revanche, la prochaine fois risque d'être lointaine.
_ Pourquoi ça ? demanda Alice en fronçant les sourcils.
_ Je pars avec ce navire, je suis second du Capitaine, révéla James. Nous levons l'ancre demain à l'aube, pour Cuba.
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Les Colonies
Historical FictionComme beaucoup de familles anglaises, c'est confiants et sûrs d'eux que les Karevell quittèrent l'Angleterre pour la Caroline du Sud afin de profiter des richesses des colonies britanniques, en plein cœur du XVIIIème siècle. Henry Karevell pensait...