Il fut inutile de dire que Henry ne pensa qu'à une seule chose, les jours qui suivirent. Il ressentait un mélange de honte, en songeant à Sophie, mêlé à du désir dès que ses pensées s'égaraient vers Lucy.
Il savait bien que tous deux n'auraient pas dû faire tout cela ; mais ni l'un ni l'autre n'avait eu envie de s'arrêter.
Lucy lui avait dit avant de le quitter que quitte à ce qu'elle doive épouser Michael, elle préférait ne pas être vierge pour lui, et Henry ne put s'empêcher d'être largement satisfait par ce paramètre ; elle lui avoua également être réellement tombée amoureuse, ce qui était plus perturbant.
Chaque fois qu'il pensait à Lucy, il revoyait son corps nu, il repensait à ce qu'il s'était passé ; et il fut finalement fort soulagé du mutisme d'Alice, car elle était plutôt très perspicace en temps normal.
Après avoir vu son lord avec la jeune espagnole, Alice s'était murée dans un silence buté, refusant de parler de James, et refusant même de parler tout court. Elle ne sortit pas de la demeure familiale pendant plusieurs jours, prétextant ne pas se sentir au mieux ; Isabelle Karevell, inquiète, resta ainsi au chevet d'une Alice pas du tout malade, simplement mortifiée.
La voyant dans cet état, Henry tenta de discuter avec elle, lui présentant Carmela comme un passe-temps qui repartirait bientôt d'où elle était venue ; mais Alice demeurait muette, rouge de colère.
Elle se sentait si bête ! Et la sollicitude de Henry ne faisait qu'accroître son sentiment de stupidité.
Elle daigna quitter son lit au bout du cinquième jour, acceptant de se rendre chez Lucy à l'invitation de celle-ci ; Henry se montra fort intéressé en apprenant qu'elle se rendait chez les Jenkins, mais il devait accompagner Thomas et leur père chez un armateur de Charleston afin de lui faire acheter quelques marchandises, et Alice nota un certain regret dans son expression.
Ce qu'il se passait, ou ne se passait pas, entre Lucy et son frère la dépassait ; elle ne savait pas à quoi ils jouaient, tous les deux, mais elle se promit d'éclaircir complètement cette affaire dans les jours à venir. Comment expliquer qu'ils se soient ignorés durant des semaines, puis que depuis quelques jours Henry parle de Lucy d'un ton bien plus léger ? Alice retrouvait son mordant habituel et son sens des déductions, et ça faisait du bien, à dire vrai.
En arrivant chez Lucy, Alice était bien décidée à la questionner avant même que Lucy ne parle de James ; il était hors de question que le sujet du Lord et de son espagnole vienne sur le tapis.
Cependant, Alice comprit bien vite que ses questions allaient devoir attendre ; car Sophie était présente aussi.
_ Oh Alice, cela me fait plaisir de te voir, dit Lucy en accueillant son amie. Je suis désolée, ajouta-t-elle dans un souffle. Je sais que tu n'aimes pas trop Sophie, mais elle est passée à l'improviste...
_ Ce n'est rien, dit Alice en haussant les épaules.
La voyant arriver dans le petit salon où les deux amies s'étaient installées, Sophie se força à sourire, mais à peine Alice se fut-elle assise que Sophie attaqua immédiatement :
_ L'une de vous sait-elle pourquoi Henry m'évite ? Il ne répond pas à mes lettres. Alice ?
Sentant le ton accusateur dans la voix de Sophie, Alice la regarda de haut et rétorqua :
_ Et bien ? Que crois-tu ? Que je suis la secrétaire de mon frère ?
_ Cela vous arrive de discuter, tout de même, non ? lança Sophie d'un air excédé.
_ Pas cette semaine. J'ai été souffrante.
_ C'est un fantôme, en ce moment, dit Sophie avec humeur. Je sais que votre père le harcèle pour qu'il prenne sa place dans les affaires de la famille, mais tout de même...
VOUS LISEZ
Les Colonies
Historical FictionComme beaucoup de familles anglaises, c'est confiants et sûrs d'eux que les Karevell quittèrent l'Angleterre pour la Caroline du Sud afin de profiter des richesses des colonies britanniques, en plein cœur du XVIIIème siècle. Henry Karevell pensait...