Chapitre 28

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⌚septembre 2022⌚

Florian me tient fermement la main. Son visage est fermé. Il regarde avec attention chaque détail de cet endroit, où sont restées ses racines. Ses yeux sont plissés à cause du soleil, mais j'aperçois tout de même son émotion à travers.

«- On habitait dans cette petite maison. »

Patricia, elle, semble tout aussi secouée. Je regarde cette petite maison. C'est une maison, au toit plat, faite de pierres orangées. Un simple plein pied, sans artifice et ne demandant pas trop de moyens. Devant, une petite terrasse donne sur la place, à l'intérieur d'une arche. Deux vieux sièges sont dessus, avec une table argenté entre eux. Un petit groupe de garçons passent devant ce petit logement, courant derrière un ballon de foot, tout en riant ensemble. Un homme, âgé d'une cinquantaine d'années marche derrière eux. La petite place est calme.

«- C'est là, la photo ? »

La voix de Florian est peu assurée. S'il redit un mot, il va pleurer, je le sais.

«- Oui, c'était là. »

Je revois cette photo. Celle du grand-père de Florian, Amar. Il était posé sur une chaise, sur cette même petite terrasse, une tasse en main. Il regardait attentivement quelque chose, hors champ, en fronçant les sourcils. Appuyé sur ses genoux, il avait un léger sourire sur les lèvres. Il portait une moustache, qui ressemblait pas mal à celle de Florian. C'est de lui qu'il tient sa barbe, c'est certain. C'est en me montrant cette seule photo qu'il lui reste de son grand-père que Florian m'a raconté son histoire, il y a quelque mois maintenant. M'en avoir parler à visiblement ravivé tous les sentiments qu'il ressentait, car peu de temps après, avec son frère, il a écrit un couplet en l'hommage de son grand-père maternel, et Olivio en l'honneur de leur grand-père paternel, José. Amar était algérien, il s'est battu lors de la guerre de son pays. Puis, il est mort, en Algérie, pays qu'il n'a jamais quitté. Les relations qu'il entretenait avec sa mère comme sa grand-mère était rempli d'amour mais aussi de conflits, ce qui est l'une des raisons qui a poussé Patricia à partir en France. Il m'a confié regretter ne jamais l'avoir rencontré. Il aurait voulu comprendre son tempérament, écouter ses histoires, apprendre de son vécu. Connaître ses racines algériennes. Savoir réellement qui était Amar. Il a tellement été élevé comme un argentin qu'il en a presque oublié l'Algérie. C'est la première fois qu'il met les pieds ici, en Algérie. Après m'avoir fait part de l'histoire de son grand-père, il m'a confié avoir envie d'aller dans le pays de son aïeul, avec sa mère. Il m'a demandé de l'accompagner. J'ai d'abord refusé, jugeant ce voyage trop intime pour que je m'y immisce. Mais, il a insisté, en me disant qu'il aurait besoin de moi. J'ai alors accepté.

«- Ça n'a pratiquement pas changé..., ajoute Patricia. »

Florian est toujours allongé dans le lit, fixant le plafond. Après avoir découvert la maison dans laquelle a grandi sa mère, nous avons marché dans les environs. Patricia nous a raconté un tas de belles anecdotes, devant les endroits où elles ont eu lieu. Puis, nous sommes rentrés à l'hôtel dans la ville, et il n'a pas dit un mot. Je suis allée prendre une douche en prenant volontairement du temps, pour le laisser un peu seul. Je m'assis sur le bord du lit, et le regarde. Il semble réfléchir.

«- Ça va ?, je demande doucement.
- Oui. En fait, je suis un peu bouleversé. Je pensais pas que ça allait autant me toucher. Je n'étais jamais allé en Algérie, je n'ai même pas d'excuse. Et j'ai marché sur les traces de mon grand-père, j'ai vu tout ça, et je sais pas pourquoi, mais ça m'a fait du bien, quand même. Comme si il me manquait quelque chose, et que en voyant mes origines, ça allait mieux. C'est bizarre.
- Je comprends. Tu as enfin vu tes racines, tu peux enfin comprendre certains points de l'histoire de ta famille. C'est bouleversant.
- Tu sais, commence Florian en me regardant enfin, je suis vraiment content d'avoir enfin eu le courage d'y aller. Au fond, je crois que j'avais peur de découvrir quelque chose qui m'aurait déplu. Mais, je suis vraiment content, et pas déçu. J'ai pu voir la maison de mes propres yeux., finit-il en souriant.
- Je suis vraiment contente aussi de voir que ça te fait du bien.
- Et puis... Tu sais bien que je veux des enfants et... Peut-être que j'étais pas vraiment prêt avant... Mais, je crois que je suis prêt. J'ai envie d'avoir des enfants. Avec toi. »

Il Fait Mon BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant